À propos de l'article

Auteur :

M. Abd As-Salam

Date :

Wed, Nov 26 2014

Catégorie :

Religion Comparée

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Le péché original

Le péché original


 (partie 1 de 2)

« Chaque âme n’acquiert le mal qu’à son propre détriment et personne ne portera le fardeau d’autrui. » (Coran 6:164)

« Les parents ne seront pas mis à mort pour les crimes commis par leurs enfants, ni les enfants pour ceux de leurs parents: si quelqu’un doit être mis à mort, ce sera pour son propre péché. » (Deutéronome 24:16)

Il est clair que ces deux versets, l’un tiré du Coran et l’autre de la Bible, font allusion à la même chose : qu’un Dieu juste ne châtiera jamais quelqu’un pour les péchés commis par une autre personne.

Selon les chrétiens, Dieu aurait créé les hommes afin qu’ils vivent éternellement au Paradis; ils croient également que lorsque Adam a mangé le fruit de l’arbre interdit, Dieu l’a puni en le rendant mortel et en le bannissant du Paradis.  Ils affirment également que comme ses descendants ont hérité de ce caractère mortel, ils ont aussi hérité de son péché, qui a formé une tache permanente sur leur cœur, tache ne pouvant disparaître qu’à l’aide d’un sacrifice si grand qu’il obligerait Dieu à accorder Son pardon à toute l’humanité.  Évidemment, ce sacrifice auquel ils font allusion n’est nul autre que celui de Dieu Lui-même, incarné dans Son « fils » Jésus.  Par conséquent, le christianisme considère que toute l’humanité est condamnée à l’Enfer à cause du péché d’Adam, duquel elle ne peut se laver qu’en croyant que Dieu s’est incarné et est mort pour ce péché, croyance symbolisée par le baptême, par lequel les chrétiens « naissent à nouveau », mais immaculés.

Donc la théorie du « péché originel » forme la base de différentes croyances chrétiennes, de la crucifixion de Jésus, le « sauveur », au concept du salut.  Elle est la raison d’être, selon les chrétiens, de la mission même de Jésus sur terre.

Des questions surgissent, inévitablement : l’humanité porte-t-elle le fardeau du péché qu’a commis Adam en mangeant le fruit de l’arbre interdit?  Devons-nous tous nous repentir de ce péché?  Si oui, de quelle façon?  Et qu’adviendra-t-il de ceux qui ne s’en seront jamais repentis?

Selon l’islam, le châtiment pour un péché ne peut toucher que celui ou celle qui a commis ce péché.  Le péché n’est pas un trait héréditaire ou une « tache » dont la descendance d’une personne hérite.  Chaque personne devra rendre des comptes sur ce qu’elle aura fait au cours de sa vie.  Même si le Coran mentionne le péché d’Adam et relate qu’il a été banni du Paradis à cause de cela, il n’en fait porter le fardeau à personne d’autre.  Aucun des prophètes envoyés avant Jésus n’a prêché ce genre d’idées, et aucun rituel ou croyance n’a jamais été fondé sur ce concept.  Tous les prophètes, y compris Mohammed, ont prêché que pour être sauvé du feu de l’Enfer et pour avoir accès au Paradis, il faut croire en un Dieu unique et obéir à Ses commandements.

Le Pardonneur, le Miséricordieux

Pour ce qui est d’Adam, le Coran nous apprend qu’il s’est repenti de son péché.  Dieu lui a révélé les paroles qu’il devait prononcer pour demander pardon, puis Il a accepté son repentir.

« Puis Adam reçut (en révélation) des paroles [de pardon] de son Seigneur et Dieu accepta son repentir.  Certes, c’est Lui le Pardonneur, le Miséricordieux. » (Coran 2:37)

Comme Dieu a accepté le repentir d’Adam, Adam a été purifié du péché qu’il avait commis.  À maintes reprises, dans le Coran, Dieu se décrit comme Pardonneur et Miséricordieux.  Parmi Ses noms, on retrouve le Pardonneur, le Très Miséricordieux, Celui qui accepte le repentir, et d’autres encore qui soulignent Sa grande miséricorde, qui englobe tout.  Même à ceux qui ont commis de nombreux péchés et qui pourraient perdre espoir de jamais recevoir le pardon de Dieu, Il dit :

« Ô Mes serviteurs qui avez commis des excès à votre propre détriment!  Ne désespérez pas de la miséricorde de Dieu, car Il pardonne tous les péchés.  Certes, c’est Lui le Pardonneur, le Miséricordieux. » (Coran 39:53)

Si une personne commet un péché, ce qu’elle doit faire c’est se repentir sincèrement et elle trouvera toujours Dieu miséricordieux.  Adam a péché et son péché a bel et bien entaché son cœur; mais son repentir a fait disparaître cette tache.  Le prophète Mohammed a dit :

« Si le croyant vient à commettre un péché, une tache noire vient se placer sur son cœur. S’il se repent, cesse de désobéir et implore le pardon d’Allah, la tache disparaît de son cœur.  Et s’il persiste dans son péché, elle augmente de volume jusqu’à ce qu’elle couvre totalement son cœur. » (Ibn Maajah)

Même si Adam ne s’était pas repenti, la tache sur son cœur ne se serait certainement pas transmise à ses descendants.  Ainsi, il est clair que Dieu n’a guère besoin de quelque sacrifice physique que ce soit pour pardonner les péchés, et qu’aucun péché n’est trop grand pour Sa miséricorde.  Affirmer le contraire équivaudrait à mettre en doute Son excellence et Sa perfection.  Le prophète Mohammed rapporte que Dieu a dit :

« Ô, fils d’Adam !  Tant que tu M’invoques et places en Moi ton espoir, Je te pardonne quoique tu aies fait, et Je ne m’en soucie pas.  Ô fils d’Adam !  Si tes péchés atteignaient les nuages des cieux, et qu’ensuite tu sollicitais Mon pardon, Je te l’accorderais.  Ô fils d’Adam !  Si tu te présentes devant Moi avec autant de péchés que peut en contenir la Terre et qu’ensuite tu Me rencontres sans rien M’associer dans ton adoration, Je t’apporterai un pardon équivalent. » (Al-Tirmidhi)

Au sujet du sacrifice, Dieu dit, dans le Coran, que c’est l’intention derrière le sacrifice qui compte et non le sacrifice comme tel :

« Ni leur chair ni leur sang ne parviennent à Dieu; seule votre piété Lui parvient. » (Coran 22:37)

Nous comprenons, par ce verset, que l’idée du péché originel et du concept de Dieu s’incarnant pour Se sacrifier Lui-même afin de pardonner les péchés de l’humanité ne tient pas la route parce que de toute façon, même s’Il n’avait pas, à l’origine, demandé à Adam de se repentir, Dieu, de par Sa grande miséricorde, pardonnerait de toute façon les péchés.

Il est également dit, dans la Bible :

« Qu’ai-je à faire de la multitude de vos sacrifices ?  dit l’Eternel.  Je suis rassasié des holocaustes de béliers et de la graisse des veaux; Je ne prends point plaisir au sang des taureaux, des brebis et des boucs.  Quand vous venez vous présenter devant moi, qui vous demande de souiller mes parvis?  Cessez d’apporter de vaines offrandes : J’ai en horreur l’encens, les nouvelles lunes, les sabbats et les assemblées ; Je ne puis voir le crime s’associer aux solennités.  Mon âme hait vos nouvelles lunes et vos fêtes; elles me sont à charge; Je suis las de les supporter.  Quand vous étendez vos mains, je détourne de vous mes yeux; quand vous multipliez les prières, je n’écoute pas: vos mains sont pleines de sang.  Lavez-vous, purifiez-vous, ôtez de devant mes yeux la méchanceté de vos actions; cessez de faire le mal.  Apprenez à faire le bien, recherchez la justice, protégez  l’opprimé, faites droit à l’orphelin, défendez la veuve.  Venez et plaidons! dit l’Eternel.  Si vos péchés sont comme le cramoisi, ils deviendront blancs comme la neige; s’ils sont rouges comme la pourpre, ils deviendront comme la laine. »[1]

 


Footnotes:

[1]  Ésaïe 1:11-18

 (partie 2 de 2)

La volonté divine du Dieu parfait

Adam a donc demandé pardon pour son péché, et Dieu l’a accepté.  Un autre point essentiel que nous devons mentionner est que Dieu a créé les êtres humains avec un libre arbitre et qu’Il savait avant même de les créer qu’ils allaient commettre des péchés.  Pour cette raison, Dieu n’attend d’aucun humain qu’il soit parfait.  Il s’attend plutôt à ce qu’il fasse suivre ses péchés d’un repentir.  Le Prophète (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui) a dit :

« Tous les fils d’Adam commettent des péchés; mais les meilleurs d’entre ceux qui commettent des péchés sont ceux qui se repentent. » (Ibn Maajah)

Le Prophète a également dit :

« Par Celui qui tient mon âme entre Ses mains, si vous ne commettiez pas de péchés, Allah vous ferait disparaître et vous remplacerait par un autre peuple qui commet des péchés et qui Lui demande pardon, et Il leur pardonnerait. » (Sahih Mouslim) 

Nous constatons donc que le péché d’Adam suivi du pardon de Dieu faisait partie du vaste Plan de Dieu.  Alors, affirmer qu’Adam est allé à l’encontre de la volonté de Dieu en commettant ce péché relève du blasphème envers l’omniscience, la puissance et la volonté de Dieu.  Le christianisme va même plus loin en prétendant que Dieu s’est repenti d’avoir créé les humains!  Dieu est bien au-delà des défauts que les êtres humains Lui attribuent.  Dans la Genèse 6:6, on peut lire :

« L'Eternel se repentit d'avoir fait l'homme sur la terre, et il fut affligé en son cœur. » 

Être d’accord avec cela revient à croire qu’Adam a fait une chose qui a échappé à la volonté, à la puissance et à l’omniscience de Dieu, et que Dieu a regretté d’avoir créé l’homme.  Dieu est Parfait, de même que toutes Ses actions, et ces dernières sont dépourvues de défauts ou d’erreurs.  Il ne fait rien si ce n’est de par Sa totale perfection et sagesse.  L’islam ne peut aucunement entériner une telle croyance et, comme nous l’avons déjà mentionné, tout ce qui s’est produit dans l’histoire d’Adam faisait partie du vaste plan de Dieu, qui est dénué de toute imperfection.  Le Prophète (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui) a dit :

« En vérité, Dieu a établi le destin de toute chose cinquante mille ans avant la création des cieux et de la terre. » (At-Tirmidhi)

Dans le Coran, Dieu fait mention de ce qu’ont dit les anges lorsqu’Il leur a annoncé Son intention de créer les êtres humains; et considérant l’échange qui eut lieu entre eux, nous comprenons que Dieu savait pertinemment que les humains allaient commettre des péchés et qu’en fait, cela faisait partie de Son vaste Plan.

« Et lorsque ton Seigneur dit aux anges: « Je vais établir un vice-roi sur la terre, ils dirent : « Vas-tu en établir un qui y sèmera la corruption et y répandra le sang, tandis que nous sommes là à Te glorifier et à Te sanctifier ? »  Il dit : « En vérité, Je sais ce que vous ne savez pas. » (Coran 2:30)

Il est clair, aussi, que Dieu n’a pas créé les humains immortels et qu’Il avait décidé dès le départ qu’ils seraient mortels.  Quant aux conséquences du péché d’Adam, seul son bannissement du Paradis peut avoir en quelque sorte affecté sa descendance.  Si une personne conduit sa voiture alors qu’elle est ivre, qu’elle a un accident et que ses passagers meurent, le péché de cette personne affecte les autres passagers; mais cela ne signifie pas que les passagers seront tenus pour responsables du péché commis par le conducteur.

Les innocents

Une autre question que nous devons traiter est celle du sort réservé à ceux qui ont vécu avant l’apparition de cette croyance d’un Dieu incarné qui Se serait sacrifié Lui-même pour laver les péchés de l’humanité, de même que le sort réservé à ceux qui n’ont jamais été baptisés, car le baptême est le rite auquel doit être soumis chaque chrétien pour être purifié du péché originel.  Dans le christianisme, on considère que tous les êtres humains qui sont nés avant que Dieu ne « s’incarne », incluant les prophètes et les nourrissons, qui sont habituellement considérés comme immaculés, sont eux aussi touchés par le péché originel d’Adam et ne peuvent donc avoir accès au Royaume des cieux.  Comme l’écrit Saint Augustin : « Ne croyez pas, ne dites pas et n’enseignez pas que les nourrissons qui meurent avant d’être baptisés peuvent obtenir la rémission du péché originel. »[1]  Jusqu’à récemment, les nourrissons non-baptisés n’étaient pas enterrés dans une terre consacrée car on considérait qu’ils étaient mort en portant sur eux la tache du péché originel.

Nous savons aussi que le verset du credo des Apôtres qui dit « … et (Jésus) descendit aux Enfers » signifie que Jésus serait descendu aux Enfers pour libérer les âmes vertueuses qui s’y étaient retrouvées à cause du péché d’Adam.  Cela amène à croire que tous ceux qui sont morts avant la venue de Jésus se sont retrouvés en Enfer, même s’ils étaient vertueux.  Paul mentionne quelque chose de similaire dans les Galates :

« Néanmoins, sachant que ce n'est pas par les œuvres de la loi que l'homme est justifié, mais par la foi en Jésus-Christ, nous aussi nous avons cru en Jésus-Christ, afin d'être justifiés par la foi en Christ et non par les œuvres de la loi, parce que nulle chair ne sera justifiée par les œuvres de la loi. »(Galates 2:16)

Il est clair, ici, que selon eux, le respect des commandements de Dieu ne suffit pas à s’assurer le salut, même pour ceux qui ont vécu avant Jésus.  Cela vaut aussi pour tous ceux qui n’ont pas reçu le message du christianisme.  Ce qui nous amène à demander : pourquoi les prophètes qui ont précédé Jésus n’ont-ils pas parlé de cette notion de péché originel?  Ont-ils menti lorsqu’ils ont affirmé qu’il était suffisant de n’adorer qu’un seul Dieu et d’obéir à Ses commandements pour entrer au Paradis?  Pourquoi Dieu n’est-Il pas venu libérer l’humanité du péché d’Adam au moment où ce dernier l’a commis afin que les pieux et les autres croyants ne soient pas condamnés à l’Enfer?  Pourquoi les nourrissons, les hommes qui ont vécu avant Jésus et ceux qui n’ont pas reçu le message du christianisme devraient-ils subir les conséquences d’un péché qu’ils n’ont jamais commis et pourquoi les laisse-t-on dans l’ignorance de la façon dont ils doivent s’y prendre pour être absous de ce péché?  La vérité est que la notion de péché originel, comme tant d’autres, a été introduite par Paul et répandue plus tard par les érudits chrétiens et les conciles.

« L’Ancien Testament ne fait aucune mention d’une transmission héréditaire du péché à la race humaine tout entière. (…)  La principale affirmation biblique de cette doctrine se trouve dans les écrits de Paul… »[2]

Mais ce concept a été répandu par Saint-Augustin, un des plus grands érudits chrétiens de l’histoire.  Le fondement de ce concept est que « le péché délibéré du premier homme (Adam) est la cause du péché originel. »  Le concile d’Orange a déclaré : « Un seul homme a transmis à toute l’humanité non seulement la mort physique, qui est le châtiment pour le péché, mais aussi le péché en tant que tel, qui est la mort de l’âme. »[3]

Le concept du péché originel n’est fondé sur aucune écriture considérée comme divine par le christianisme.  Aucun des prophètes ayant précédé Jésus n’était connu pour prêcher ce concept, pas plus qu’il n’y a eu de croyances ou de rituels basés sur lui.  Tous les prophètes, y compris Mohammed, le prophète de l’islam (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui) ont prêché le même message, à savoir que la protection contre le feu de l’Enfer se trouve dans la croyance en un seul Dieu et dans l’obéissance à Ses commandements.

En résumé

En islam, la clé du salut est la croyance en un seul Dieu, le fait de n’adorer que Lui, l’Unique, le Parfait, et l’obéissance à tous Ses commandements.  C’est là le message transmis par tous les prophètes.  L’islam enseigne que les gens doivent faire le bien et éviter les péchés s’ils veulent avoir accès au Paradis, et que si une personne commet un péché, elle doit se repentir de manière sincère.  C’est par cela, mais aussi par la miséricorde de Dieu, qu’une personne peut entrer au Paradis.  L’islam ne considère pas que toutes les personnes ayant vécu avant le venue de Mohammed sont condamnées à l’Enfer; il considère plutôt qu’un prophète a été envoyé à chaque nation par le même Dieu unique et qu’il n’en tenait qu’à elles de suivre Ses commandements.  Ceux qui n’ont jamais entendu parler du message ne sont évidemment pas tenus de suivre l’islam, et Dieu, dans Sa parfaite justice, s’occupera de leur cas au Jour du Jugement.  Les nourrissons et les enfants des musulmans comme des non-musulmans entrent directement au Paradis au moment de leur mort.  Et, de par l’infinie justice de Dieu :

« Nulle âme ne portera le fardeau d’une autre.  Et jamais Nous n’avons puni [un peuple] avant de [lui] avoir envoyé un messager. » (Coran 17:15)

 


Footnotes:

[1] De Anima (III).

[2]  Merriam-Webster’s Encyclopedia of World Religions.  P.830.  1999, Merriam Webster, inc.

[3] Enchiridion Symbolorum, Heinrich Joseph Dominicus Denzinger. n. 175 (145)