Quand l'opinion d'un uléma, Compagnon du Prophète ou pas, peut elle servir d'argument?
Answer
Le devoir de suivre le Livre et la Sunna n'est pas incompatible avec l'admission des opinions des compagnons du Messager d'Allah (bénédiction et salut soient sur lui) et celles des ulémas de la communauté reconnus pour leur savoir et leur mérité. Mieux, l'admission de leurs opinions revient à suivre le Livre et la Sunna. A ce propos, Allah très haut a dit: «Interrogez les gens du rappel si vous ne savez pas » (Coran,21:7).
Abou Daoud (3641) a rapporté qu'Abou Dardaa avait entendu le Messager d'Allah (bénédiction et salut soient sur lui) dire: «Certes, les ulémas sont les héritiers des Prophètes. Les Prophètes n'ont légué ni dinars ni dirhams. Ils n'ont laissé qu'un savoir. Très heureux sera celui qui l'aura reçu d'eux.» (jugé authentique par al-Albani dans Sahih Abou Dawoud.
L'opinion d'un uléma, qu'il soit un Compagnon ou pas, est soit en concordance avec la Sunna ou en discordance avec elle. Dans le premier cas, on doit l'admettre et l'appliquer car les ulémas connaissement mieux que les autres Allah et Son Messager. Si elle est en discordance avec la Sunna, on ne l'admet pas. C'est plutôt la Sunna qui doit être retenue dans ce cas, à condition toutefois qu'il soit clairement établi que l'opinion est contraire à la Sunna.
La règle est : on peut admettre ou rejeter toute parole hormis celle du Messager d'Allah (bénédiction et salut soient sur lui). Cependant, il faut tenir compte du statut religieux des ulémas, notamment les Compagnons (puisse Allah les agréer).
En l'absence d'un texte traitant d'une question donnée, l'opinion d'un Compagnon, non contredite par celle d'un autre Compagnon, peut servir d'argument. D'où la règle selon laquelle l'opinion d'un Compagnon est un argument aussi long temps qu'elle ne se heurte pas à un texte ou est contredite par celle d'un autre Compagnon.
Cheikh Ibn Outhaymine (puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) dit: «Si le Compagnon fait partie des jurisconsultes confirmés, son opinion peut servir d'argument à deux conditions. La première est qu'elle ne contredit pas la parole d'Allah ou celle de Son Messager. Si elle s'oppose à la parole d'Allah ou à celle de Son Messager, on doit la rejeter et retenir celle d'Allah et Son Messager. La seconde condition est qu'elle ne contredit pas l'opinion d'un autre Compagnon. En cas de contradiction ,on doit chercher à savoir laquelle des deux opinions est la mieux argumentée car a priori aucune des deux opinions ne l'emporte sur l'autre.» Extrait de Liqaa al-bab al-maftouh (59/24).
Il en est de même des propos des Compagnons relatifs aux causes de révélation et à l'explication du Coran et de la Sunna car ils connaissent mieux que les autres les circonstances de la Révélation et la langue arabe. C'est à eux que le Coran fut révélé. Ils furent les contemporains du Prophète (bénédiction et salut soient sur lui) et connaissaient mieux que les autres sa Sunna.
S'agissant des ulémas des autres (générations), ils connaissaient mieux (que ceux venus après eux) le Livre et la Sunna et maîtrisaient mieux le juste raisonnement par analogie et étaient les plus capables de déduire des dispositions à partir de leurs sources. A ce propos, Allah Très haut dit: «S'ils la rapportaient au Messager et aux détenteurs du commandement parmi eux ceux d'entre eux qui cherchent à être éclairés, auraient appris (la vérité de la bouche du Prophète et des détenteurs du commandement» (Coran,4:83).
As-Saadi (puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) dit: «ceci fonde une règle littéraire selon laquelle la conduite d'une recherche doit être confiée à des gens compétents et éviter de laisser d'autre s'en occuper car c'est plus à même à de réaliser des résultats justes et de se mettre à l'abri de l'erreur.» Extrait de Tafsir d'as-Saadi, p.190.
Il est particulièrement important de s'en remettre aux ulémas et de s'en tenir à leurs opinions sur les questions ambigües car, dans ce domaine, le peu instruit qui ne s'est pas éclairés grâce au savoir et n'a pas étudié spécifiquement l'affaire (concernée) n'a aucune chance (de s'y retrouver). C'est pourquoi le messager d'Allah (bénédiction et salut soient sur lui) nous a donné l'ordre de soumettre aux ulémas toute partie du Coran ou de la Sunna que nous ne comprenons pas bien.
Amr ibn Chouayb a rapporté d'après son père qui le tenait de son grand père que le Messager d'Allah (bénédiction et salut soient sur lui) avait entendu des gens se quereller…et il leur dit: «Vos devanciers n'ont péri qu'à cause de ça: ils avaient opposé des parties du Livre d'Allah à d'autres. Or le Livre d'Allah a été révélé de sorte que des parties en confirment d'autres. N'en utilisez pas des éléments pour démentir d'autres. Parlez de ce que vous en savez et laissez ce que vous ignorez à celui qui en détient la connaissance.» (rapporté par Ahmad (6702) et par Ibn Madjah (85) et jugé bon par al-Albani dansMiskat al-Massabiih (237).
Cheikh Moulla Ali al-Quarri (puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) dit: «Remettez vous en signifie laissez en la connaissance à Celui qui en détient la maîtrise c'est Allah très haut ou celui parmi les ulémas qui en sait plus que vous. Ne lui attribuez pas arbitrairement une signification.» Extrait de Mirqatal-Mafatiih (1/313).
En somme, chaque fois que les ulémas sont d'accord sur le sens d'un verset ou un hadith ou retiennent une disposition légale ou l'excluent, leur consensus constitue un argument légal à retenir car le consensus communautaire (des musulmans) ne peut pas reposer sur une aberration. Quand les avis des ulémas divergent, le Livre d'Allah et la Sunna de Son Messager (bénédiction et salut soient sur lui) permettent de distinguer les actes, les paroles et les états qu'il faut retenir. Celles de leurs opinions qui s'avèrent plus proches du Livre et de la Sunna et plus à même de fonder les jugements qui s'en dégagent doivent être adoptées. Celles qui s'écartent du Livre et de la Sunna ou semblent loin de pouvoir fonder un jugement pouvant en être déduit, doivent être rejetées. Ce qui n'empêche pas de reconnaitre leur savoir, leur mérite, leur foi et leur dignité. Car ce sont eux qu'Allah a choisi pour sauvegarder Sa religion et protégé Sa Loi et Ses sentences et les appliquer aux hommes.
Cheikh al-islam, Ibn Taymiyyah (puisse Allah lui accorder Sa miséricorde): «Si les musulmans discutent autour d'une question, il est un devoir de soumettre l'objet de la discussion à Allah et à Son Messager et de retenir l'avis le plus conforme au Livre et à la Sunna.» Extrait de Madjmou' al-Fatwa (20/12).
Cheikh Ibn Baz (puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) dit: «Quand un argument permet de savoir ce qu'il faut retenir, il faut agir dans le sens indiqué par l'argument tiré du Livre d'Allah ou de la Sunna de Son Messager (bénédiction et salut soient sur lui), même si cela va à l'encontre de l'avis d'un grand imam voire de l'avis d'une partie des compagnons car Allah dit: «si vous vous disputez en quoi que ce soit, renvoyez-là à Allah et au Messager, si vous croyez en Allah et au Jour dernier». (Coran,4:59). Le Transcendant n'a pas dit: remettez vous en à Untel ou Untel. Cependant, il faut procéder à la vérification et respecter les ulémas et les traiter selon les règles de la bonne conduite. Si on découvre un avis faible émis par l'un des imams ou ulémas ou traditionnistes reconnus, cela ne diminue en rien la valeur. On doit respecter les ulémas, les traiter selon les règles de la bonne conduite, adopter un bon langage et éviter de les insulter ou de les dénigrer . Qu'on se contente d'expliquer la vérité fondée sur un argument tout en priant pour l'uléma (jugé fautif) et en demandant à Allah de lui accorder Sa miséricorde et le pardon.
Voilà les mœurs es qui doivent régner en milieu d'ulémas; ils s'estiment mutuellement et reconnaissent leurs rangs et mérites respectifs.» Extrait de Madjmou' fatawa Ibn Baz (26/305). Pour un complément d'informations, se référer à la réponse donnée à la question n° 128658.
Allah le sait mieux.