La biographie de Mohammed

Regard sur la situation politique et les conditions sociales de la Péninsule Arabe avant la naissance du prophète Mohammed.

Regard sur la vie du Prophète avant la révélation.

Récit détaillé sur la façon dont le Prophète (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui) reçut les premières révélations de Dieu.

Les premiers temps de la mission prophétique de Mohammed et la persécution subie par les premiers musulmans.

Les événements majeurs ayant mené à l’émigration des musulmans à Médine.

Un récit détaillé de l’émigration du Prophète de la Mecque à Médine.

Les défis liés à l’établissement d’une nouvelle cité-État à Médine.

Elle fut l’une des batailles les plus décisives de l’histoire de l’humanité et elle modifia totalement l’équilibre politique de la Péninsule Arabe.

Des erreurs commises lors de la bataille d’Ouhoud provoquent de lourdes pertes chez les musulmans.  Puis, à la dernière minute, une nouvelle stratégie leur apporte la victoire.

La victoire secrète d’un traité de non-agression entre les musulmans et les Mecquois.

Les événements qui menèrent à la conquête de la Mecque et, plus tard, à la fin de l’idolâtrie en Arabie.

Le pèlerinage du Prophète (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui) et sa mort.

La biographie de Mohammed

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(partie 1 de 12) : La situation de l’Arabie avant la prophétie

 

À cette époque, l’Arabie était divisée en trois sphères d’influence.  Le Nord vivait sous deux grands empires, l’empire byzantin chrétien et l’empire persan zoroastrien.  Ces deux empires étaient engagés dans une guerre perpétuelle et se trouvaient constamment à égalité, de sorte que ni l’un ni l’autre n’arrivait jamais à obtenir la victoire sur son rival.  À l’ombre de ces deux puissances vivaient les Arabes du Nord, divisés par leurs allégeances qui variaient au gré des circonstances.

Le Sud du pays était la terre des parfums arabes et était appelé « Arabie heureuse » par les Romains (ce territoire est couvert, aujourd’hui, par le Yémen et le Sud de l’Arabie Saoudite).  Il s’agissait, à ce moment-là, d’un territoire convoité.  La conversion au christianisme de Négus, empereur d’Éthiopie, avait créé une alliance entre Byzance et son pays et c’est avec l’approbation byzantine que les Éthiopiens avaient pris possession de ce territoire fertile, au début du sixième siècle.  Avant leur chute aux mains d’un conquérant impitoyable, cependant, les habitants du Sud avaient ouvert au commerce les déserts du centre de l’Arabie en introduisant une certaine organisation dans la vie des Bédouins qui servaient de guides à leurs caravanes et en établissant des comptoirs dans les oasis.

Si le symbole de ce peuple sédentaire était le boswellia sacra (arbre produisant une résine par la suite transformée en encens), celui des zones arides était le dattier; d’un côté, un produit de luxe et de l’autre, un produit de nécessité.  Personne n’aurait considéré la région du Hejaz – où nul oiseau ne chante et nulle herbe ne pousse, selon un poète du Sud – comme une zone à convoiter.  Les tribus du Hejaz n’avaient jamais connu ni conquête ni oppression et n’avaient jamais été obligées d’appeler aucun homme « Monsieur ».

La pauvreté constituait pour eux une protection, même si eux-mêmes ne se considéraient pas comme pauvres.  Car pour se sentir pauvre, il faut envier le riche alors qu’eux, ils n’enviaient personne.  Leur richesse, c’était leur liberté, leur honneur, leur noble descendance et l’unique art qu’ils connaissaient, c’est-à-dire la poésie.  Tout ce qu’aujourd’hui nous appelons « culture » se résumait, chez eux, à cet art.  À travers leur poésie, ils louaient le courage et la liberté, honoraient leurs amis et raillaient leurs adversaires, exaltaient la bravoure des hommes de leur tribu et la beauté de leurs femmes.  Ils psalmodiaient leurs poèmes autour d’un feu ou dans l’infinie étendue du désert, sous un vaste ciel bleu, attestant de la grandeur de cette minuscule créature humaine voyageant interminablement à travers les espaces désertiques de la terre.

Pour les Bédouins, les mots étaient aussi puissants que l’épée.  Lorsque des tribus ennemies se rencontraient sur le champ de bataille, il était d’usage, pour chacune, de faire venir son meilleur poète, qui louait alors le courage et la noblesse des siens et couvrait de mépris l’ignoble ennemi.  Ces batailles, dont le point culminant était les combats entre champions rivaux, relevaient plus du sport d’honneur que de la guerre, au sens où nous l’entendons aujourd’hui; c’étaient des moments de tumulte, de vantardise et de déploiements qui faisaient beaucoup moins de victimes que les véritables guerres.  Un des deux groupes finissait par s’emparer du butin et jamais le vainqueur ne poussait trop loin son avantage, car cela allait à l’encontre du concept d’honneur qui se devait d’être respecté.  Lorsqu’un des deux groupes reconnaissait la défaite, on comptait les morts de chaque côté et les vainqueurs payaient le prix du sang aux vaincus, afin de conserver un certain équilibre entre les forces relatives de chaque tribu.  Le contraste entre cette façon de faire et les pratiques de guerre d’aujourd’hui est frappant.

La Mecque, cependant, était, et demeure encore aujourd’hui, une cité importante pour une toute autre raison.  Car elle abrite la Ka’aba, la première Maison jamais construite pour que les hommes puissent y adorer le seul et unique Dieu.  L’ancienne Ka’aba avait longtemps été le centre de cette petite société.  Plus de 1000 ans avant que Salomon ne fasse construire le temple de Jérusalem, son ancêtre, Abraham, aidé de son fils aîné Ismaël, avait érigé les murs de la Ka’aba sur d’anciennes fondations.  Un certain Qousayy, chef de la puissante tribu de Qouraysh, avait établi une colonie permanente à cet endroit; c’était la cité de la Mecque (ou Bakka, comme on l’appelait).  Non loin de la Ka’aba se trouvait le puits de Zam Zam dont les origines remontaient également à l’époque d’Abraham.  C’est ce puits qui avait sauvé la vie du petit Ismaël.  La Bible raconte :

« Dieu entendit la voix du garçon et l'ange de Dieu appela Agar du haut du ciel et lui dit: « Qu'as-tu, Agar? N'aie pas peur, car Dieu a entendu le garçon là où tu l'as laissé.  Lève-toi, relève le garçon et prends-le par la main, car je ferai de lui une grande nation. »  Dieu lui ouvrit les yeux, et elle aperçut un puits. Elle alla remplir d'eau son outre et donna à boire au garçon. Dieu fut avec lui. Il grandit et vécut dans le désert où il devint un habile chasseur à l'arc. »  (Genèse 21:17-20)

Et dans les Psaumes, on peut lire :

« Lorsqu'ils traversent la vallée de Baca , ils la transforment en un lieu plein de sources, et la pluie la couvre aussi de bénédictions. » (Psaumes 84:6)

Les circonstances et l’époque favorisèrent le développement de la Mecque en centre commercial majeur.  À cause des guerres entre la Perse et Byzance, les routes commerciales du Nord entre l’Est et l’Ouest avaient été fermées, tandis que l’influence et la prospérité de l’Arabie du Sud avaient été réduites à néant par les Éthiopiens.  Le fait d’être un lieu de pèlerinage augmenta encore le prestige de la Mecque et celui des gardiens de la Ka’aba, tous membres de Qouraysh.  Leur noblesse – due à leur descendance remontant à Abraham, par Ismaël – leurs richesses et leur autorité spirituelle suffisaient à leur faire croire que comparer leur splendeur à celle de tous les autres peuples de la terre revenait à comparer l’éclat du soleil au scintillement des étoiles.

Mais les siècles qui les séparaient des grands patriarches et prophètes, conjugués à leur isolement dans le désert de la péninsule contribuèrent à l’apparition de l’idolâtrie parmi eux.  Ils se mirent à invoquer de petites divinités afin qu’elles intercèdent auprès de Dieu en leur faveur, s’imaginant qu’elles avaient le pouvoir de Lui transmettre leurs prières.  Chaque région, chaque tribu et, en fait, chaque maison possédait sa petite « divinité » personnelle.  Trois cent soixante idoles furent installées à l’intérieur même de la Ka’aba – la maison bâtie par Abraham et son fils pour l’adoration exclusive de Dieu – et dans sa cour extérieure.  Non seulement les Arabes adoraient-ils les idoles sculptées dans la pierre, mais ils vénéraient également tout ce qu’ils considéraient comme surnaturel.  Ils croyaient que les anges étaient les filles de Dieu.  Ils menaient des vies de débauche où l’ivrognerie et les jeux d’argent étaient monnaie courante, et où l’infanticide féminin allait de soi, les filles nouvellement nées étant régulièrement enterrées vivantes.

(partie 2 de 12) : De sa naissance à sa vie adulte

La naissance du Prophète

C’est en l’an 570 de l’ère chrétienne que naquit Mohammed (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui) à la Mecque, ville d’Arabie Saoudite.  Son père, Abdoullah, était l’arrière-arrière-petit-fils de Qousayy, le fondateur de la Mecque, et appartenait à la famille hashimite de Qouraysh.  Sa mère, Amina, descendait du frère de Qousayy.  Revenant, avec une caravane, d’un voyage d’affaires en Syrie et en Palestine, Abdoullah s’arrêta en chemin pour rendre visite à des membres de sa famille, dans une oasis située au nord de la Mecque, lorsqu’il tomba malade et mourut plusieurs mois avant la naissance de son fils.

C’était la coutume, à l’époque, d’envoyer les fils de Qouraysh dans le désert, en dehors de la ville, pour les faire allaiter par des nourrices et leur faire passer leur tendre enfance dans une tribu bédouine.  On considérait cela comme propice au développement d’une santé solide, mais aussi comme un retour aux sources et une occasion de profiter de la liberté que procure l’immensité du désert.  Mohammed fut confié à Halima et passa quatre ou cinq années avec cette famille bédouine, s’occupant des moutons dès qu’il fut assez grand pour marcher et apprenant à vivre comme les gens du désert.

À l’âge de six ans, peu de temps après être retourné chez sa mère, cette dernière l’emmena avec elle à Yathrib, où son père était décédé.  Elle fut saisie d’une fièvre subite, courante dans les oasis, et mourut durant le voyage de retour.  C’est ainsi que Mohammed fut confié à son grand-père, Abdoul-Mouttalib, chef du clan Hashimite.  Mais lorsque Mohammed avait huit ans, son grand-père mourut à son tour; il fut alors confié au nouveau chef du clan Hashimite, son oncle Abou Talib.  Mohammed gardait les moutons et lorsqu’il eût neuf ans, son oncle l’emmena en Syrie avec lui, au sein d’une caravane, afin de lui apprendre les rudiments du commerce.

À son retour, il continua à travailler comme marchand et se bâtit une excellente réputation.  À l’époque, la Mecque comptait parmi ses gens fortunés une femme nommée Khadija, deux fois veuve.  Impressionnée par les éloges qu’elle entendait au sujet de Mohammed, que les gens surnommaient al-Amine (« le digne de confiance »), elle l’embaucha et l’envoya vendre sa marchandise en Syrie.  Lorsqu’il revint, elle fut encore plus impressionnée par son excellent travail.  Puis, succombant à son charme, elle lui fit transmettre une demande en mariage.  À ce moment-là, Mohammed avait vingt-cinq ans et Khadija, quarante.  Il accepta sa demande et la prit pour épouse.  Khadija offrit à son mari un jeune esclave, Zayd, à qui Mohammed rendit sa liberté.  Et lorsque la famille de Zayd vint voir Mohammed pour tenter de le racheter, Zayd refusa de retourner avec eux, car il s’était pris d’une profonde affection pour son bienfaiteur.  Khadija et Mohammed eurent six enfants, dont un garçon, Qasim, qui mourut avant son deuxième anniversaire.

Mohammed devint un homme respecté dans sa communauté, admiré à la fois pour sa générosité et son discernement.  Son avenir semblait assuré.  Plus tard, ayant rétabli la prospérité de son clan, peut-être serait-il devenu un des aînés les plus influents de la cité et aurait-il terminé sa vie comme son grand-père, assis à l’ombre de la Ka’aba à se remémorer les bons moments de sa vie.  Toutefois, son esprit était agité et inquiet et le devint de plus en plus au fur et à mesure qu’il avançait en âge.

Les Hounafa

Les Mecquois descendaient d’Abraham et d’Ismaël et leur temple, la Ka’aba, avait été construit par Abraham pour qu’y soit adoré Dieu de façon exclusive.  Les gens l’appelaient toujours la Maison de Dieu, mais ils y adoraient, à la place de Dieu, un grand nombre d’idoles qu’ils avaient disposées à l’intérieur, de même que des sculptures représentant des divinités qu’ils croyaient être les filles de Dieu, auxquelles ils demandaient d’intercéder auprès de Dieu en leur faveur.  Un petit nombre de personnes, cependant, dégoûtées par cette idolâtrie qui durait depuis des siècles, désiraient ardemment le retour de la religion d’Abraham.  Ces personnes, qui aspiraient à la vérité, étaient appelées Hounafa, mot qui signifiait « ceux qui se détournent » (de l’idolâtrie).  Ces Hounafa ne formaient pas une communauté mais cherchaient la vérité, chacun de son côté.  Mohammed, fils d’Abdoullah, était l’un d’eux.

(partie 3 de 12) : Les premières révélations

C’est durant cette période de sa vie que Mohammed commença à faire des rêves agréables, qu’il voyait ensuite se réaliser.  Il ressentait aussi un besoin grandissant de solitude et c’est pourquoi il prit l’habitude de se retirer dans les montagnes rocheuses entourant la Mecque pour aller y méditer.  Il se retirait plusieurs jours à la fois, emportant avec lui des provisions.  Sous la lumière aveuglante du jour et au cours des nuits claires du désert, quand le scintillement des étoiles est si vif qu’il pénètre l’œil, entouré des « signes » de Dieu, sa retraite le préparait, sans qu’il ne le sache encore, à recevoir une importante révélation et à se voir confier une mission colossale : devenir prophète et transmettre à son peuple et à l’humanité tout entière la vérité provenant de Dieu.

Il reçut la première révélation au cours d’une des dernières nuits du mois de ramadan, connue comme la « nuit du destin » (laylat-oul-qadr) chez les musulmans.

 

 

La grotte de Hira (vue aérienne).  Le prophète Mohammed y méditait souvent.  C’est là qu’il reçut les premières révélations du Coran.

 

Il était seul dans la grotte du Mont Hira quand il fut soudain interpellé par l’ange de la révélation, Gabriel, le même qui était allé voir Marie, la mère de Jésus.  L’ange l’étreignit et lui ordonna : « Iqra! » (Lis!).  Il dit: « Je ne sais pas lire! ».  L’ange répéta deux fois son ordre et obtint chaque fois la même réponse de la part de Mohammed.  Alors il agrippa solidement ce dernier puis, relâchant un peu son étreinte, il lui révéla :

« Lis : au nom de ton Seigneur qui a créé, qui a créé l’homme (à partir) d’un caillot (de sang).  Lis!  Ton Seigneur est le Très Généreux, qui a enseigné par la plume, a enseigné à l’homme ce qu’il ne savait pas. » (Coran 96:1-5)

C’est ainsi que débuta l’extraordinaire histoire de l’ultime révélation de Dieu à l’humanité, révélation qui demeure en vigueur jusqu’à la fin des temps.  La rencontre d’un Arabe, il y a quatorze siècles, avec un être sorti tout droit du domaine de l’invisible fut un événement d’une importance si capitale qu’il allait bouleverser des peuples entiers à travers le monde, affecter la vie de centaines de millions d’hommes et de femmes, amener la construction de grandes cités et l’éclosion de grandes civilisations, provoquer la défaite de puissantes armées et faire renaître de leurs cendres des splendeurs insoupçonnées.  Cet événement allait également amener des foules aux portes du Paradis.  Le mot iqra, se répercutant dans les vallées du Hijaz, brisa le moule dans lequel était coulé le monde; et cet homme, seul parmi les rochers, prit sur ses épaules un fardeau tel qu’il aurait fait s’écrouler les montagnes s’il était descendu sur elles.

Le prophète Mohammed avait quarante ans et avait donc atteint un âge mûr.  Cette rencontre extraordinaire provoqua une peur intense chez lui.  Terrifié, l’homme qui dévala la montagne à toutes jambes pour aller se réfugier dans les bras de sa femme Khadija n’était plus le même que celui qui l’avait gravie pour aller méditer dans une grotte.

Alors qu’il dévalait la montagne comme s’il était poursuivi, il entendit une puissante voix crier : « Mohammed!  Tu es le messager de Dieu et je suis Gabriel! ».  Il dirigea son regard vers le ciel et vit Gabriel, énorme, qui occupait tout l’horizon.  Dans toutes les directions, il ne voyait que lui.  Il courut jusque chez lui, entra en trombe et dit, haletant, à sa femme : « Couvre-moi!  Couvre-moi! ».  Elle le fit s’allonger et le couvrit d’un manteau.  Puis, dès qu’il eut recouvré ses esprits, il lui raconta ce qu’il venait de vivre.  Il avait peur, il craignait pour sa vie.  Mais elle le rassura :

« Jamais Dieu ne te déshonorera.  Tu entretiens de bonnes relations avec ta famille, tu aides les pauvres, tu sers tes invités généreusement et tu portes secours aux victimes de calamités. » (Sahih al-Boukhari)

Elle voyait en son mari un homme que jamais Dieu n’humilierait car il était juste, honnête et altruiste.  La toute première personne à croire en lui fut donc sa propre épouse, Khadija.  Elle alla voir son oncle, Waraqa, un savant versé dans la Bible.  Après l’avoir écoutée raconter l’expérience de son mari, il reconnut en lui l’homme que la Bible décrivait comme le prophète attendu, et il confirma que ce qui lui était apparu dans la grotte était bel et bien l’ange Gabriel, l’ange de la révélation :

 « Il s’agit du Gardien des secrets (Gabriel), apparu à Moïse. » (Sahih al-Boukhari)

Le Prophète continua de recevoir des révélations jusqu’à sa mort, révélations que ses compagnons mémorisèrent et mirent par écrit sur des peaux de mouton et autres supports.

Le Coran ou « récitation »

Les paroles transmises à Mohammed par Gabriel sont considérées comme sacrées par les musulmans et ne sont jamais confondues avec celles qu’il a lui-même émises.  Les premières forment le Livre sacré, le Coran, tandis que les secondes ont été recueillies sous forme de hadiths.  Comme Gabriel récitait oralement le Coran au Prophète, ce Livre sacré est connu sous le nom d’Al-Qour’ane, i.e. « la récitation », la récitation de l’homme qui ne savait pas lire.

(partie 4 de 12) : Persécution à la Mecque

Premiers convertis

Durant les premières années de sa mission, le Prophète prêcha aux membres de sa famille et à ses amis intimes.  La première femme à embrasser l’islam fut son épouse Khadija; le premier enfant fut son cousin Ali, dont il avait la charge; et le premier serviteur fut Zayd, cet ancien esclave auquel il avait rendu sa liberté.  Son ami de longue date, Abou Bakr, fut le premier homme libre à embrasser l’islam.  Plusieurs années plus tard, le Prophète dit, à son sujet : « Tous ceux que j’ai appelés à l’islam ont d’abord hésité, à l’exception d’Abou Bakr. »

Plus tard, il reçut l’ordre divin de commencer à prêcher ouvertement et de dénoncer l’idolâtrie.  Au début, les notables de Qouraysh ignorèrent cet étrange petit groupe, voyant Mohammed comme un cas désespéré d’auto-illusion.  Mais après un temps, ils vinrent à réaliser que ce qu’il prêchait, et qui attirait de plus en plus de fidèles parmi les pauvres et les indigents (ce qui était vu comme subversif), représentait une menace à leur religion et à la prospérité de la Mecque.  Une guerre ouverte, cependant, n’aurait pas servi leurs intérêts.  Leur pouvoir dépendait de leur unité et l’exemple de Yathrib – qui était déchirée par des conflits tribaux – étant un sévère avertissement de ce qui risquait d’arriver dans leur propre cité, ils choisirent d’attendre le bon moment.  De plus, le clan Hashim, indépendamment de ce qu’il pensait réellement de son mouton noir, était tenu, par la coutume, de le défendre s’il était attaqué.

Pour un temps, ils se contentèrent de se moquer d’eux ouvertement, ce qui est probablement l’arme la plus efficace de l’homme lorsqu’il cherche à rejeter la vérité, la moquerie ne comportant pas le même degré d’implication que les actes de violence.  Son oncle Abou Talib le pria de laisser tomber son prêche afin de ne pas compromettre sa sécurité et celle de son clan.  Mais Mohammed lui dit : « Ô mon oncle, je jure par Dieu que même s’ils déposaient le soleil dans ma main droite et la lune dans main gauche pour me faire renoncer à cette affaire, je n’y renoncerais jamais, jusqu’à ce que Dieu la fasse triompher ou que j’y perde la vie. »  Abou Talib répondit, en soupirant : « Ô fils de mon frère, je ne t’abandonnerai pas. »

Mais la tension, dans la cité, augmenta petit à petit, mois après mois, au fur et à mesure que son influence spirituelle se répandait, ébranlant l’hégémonie des notables de Qouraysh et créant la division au sein de leurs familles.  Cette influence menaça encore plus l’ordre établi lorsqu’à travers des révélations successives, Dieu se mit à dénoncer l’insensibilité de la classe riche mecquoise, de même que sa cupidité et son avarice.  L’opposition, à ce moment-là, était menée par un certain Abou Jahl, avec Abou Lahab et le beau-frère de celui-ci, un jeune homme plus fin et plus doué que les deux autres, Abou Soufyan.  Revenant un jour de la chasse, Hamza, un autre oncle de Mohammed qui était jusqu’alors demeuré neutre, fut si irrité lorsqu’on le mis au courant des insultes proférées à l’endroit de son neveu qu’il alla trouver Abou Jahl, lui frappa la tête avec son arc et annonça sur-le-champ sa conversion à l’islam.

Les persécutions commencent

Vers la fin de la troisième année, le Prophète reçut l’ordre de se lever et de mettre les gens en garde.  Il commença donc à prêcher en public, dénonçant la folie insensée de l’idolâtrie face aux merveilleuses lois du jour et de la nuit, de la vie et de la mort, de la croissance et de la décrépitude, signes du pouvoir de Dieu attestant de Son unicité.  C’est à ce moment-là, lorsqu’il commença à parler contre leurs idoles, que les membres de Qouraysh s’opposèrent activement à lui par des moqueries et des insultes, puis par la persécution de ses disciples les plus pauvres.  La seule raison pour laquelle ils ne cherchèrent pas à le tuer était la crainte de la vengeance du clan auquel appartenait sa famille.  Mais fort de l’inspiration divine, le Prophète continua de mettre les gens en garde et à les implorer, tandis que Qouraysh faisait tout en son pouvoir pour ridiculiser ses enseignements et démoraliser ses fidèles.

La fuite vers l’Abyssinie

Durant les quatre premières années, les convertis provenaient surtout de milieux pauvres et ils étaient, pour la plupart, incapables de se défendre contre l’oppression qu’ils subissaient.  Les persécutions qu’ils enduraient étaient si cruelles que le Prophète conseilla à tous ceux qui le pouvaient d’émigrer, du moins temporairement, en Abyssinie (l’Éthiopie d’aujourd’hui), où ils seraient bien reçus par le chrétien Négus, « un roi juste et probe ».  Près de quatre-vingts convertis quittèrent le pays, en l’an 614.

Cette alliance avec une puissance étrangère irrita encore plus les Mecquois; ils envoyèrent des émissaires demander à Négus l’extradition des musulmans.  Un important débat eut lieu à la Cour et les musulmans l’emportèrent en démontrant, tout d’abord, qu’ils adoraient le même Dieu que les chrétiens, puis en récitant quelques versets du Coran relatifs à la vierge Marie, ce qui fit fondre Négus en larmes.  Il dit : « En vérité, cela provient de la même source que ce que Jésus a apporté. »

Mais en dépit des persécutions et de l’exil forcé, le nombre de musulmans augmenta encore, ce qui inquiéta Qouraysh au plus haut point.  L’adoration des idoles, à la Ka’aba, dont ils étaient gardiens, était leur première préoccupation.  Lors du pèlerinage, ils postèrent des hommes sur tous les chemins pour mettre en garde les tribus contre le fou qui prêchait parmi eux.  Ils tentèrent ensuite d’amener le Prophète à accepter un compromis : ils embrasseraient sa religion à condition qu’il la modifie de telle sorte à y inclure leurs divinités pour intercéder auprès de Dieu.  En retour, ils lui offraient de faire de lui leur roi s’il renonçait à dénoncer l’idolâtrie.  Mais ils se virent opposer un refus catégorique de la part du Prophète.

La conversion d’Omar

Puis, il y eut un ajout de poids, dans les rangs des musulmans : Omar ibn al-Khattab, un des jeunes hommes les plus en vue dans la cité, se convertit à l’islam.  D’abord très irrité par la popularité croissante de cette nouvelle religion – si contraire à tout ce qu’on lui avait enseigné depuis son enfance – il avait juré de tuer Mohammed, sans égard aux conséquences qui pouvaient s’ensuivre.  Mais quelqu’un lui fit remarquer qu’avant de poser un tel geste, il avait intérêt à  s’occuper de sa propre famille, puisque sa sœur et le mari de cette dernière s’étaient convertis depuis peu.  Faisant irruption dans leur maison, il les trouva en train de lire la sourate Ta-Ha; et quand sa sœur reconnut qu’ils s’étaient bel et bien convertis à l’islam, il la frappa violemment.  Puis, terriblement honteux de son geste, il demanda à voir ce qu’ils lisaient.  Après avoir insisté pour qu’il fasse d’abord ses ablutions, elle lui tendit le texte; et, au fur et à mesure de sa lecture, une soudaine et complète transformation s’opéra en lui.  Le doux pouvoir des paroles de Dieu le transforma à jamais!  Il alla directement voir Mohammed et embrassa l’islam.

Un homme comme Omar était trop important, dans la hiérarchie sociale, pour qu’on s’en prenne à lui, ce qui n’était pas le cas de la majorité des nouveaux convertis, qui étaient soit pauvres soit esclaves.  Les pauvres étaient capturés et battus, tandis que les esclaves étaient torturés par leurs maîtres, qui cherchaient à les faire renoncer à leur nouvelle religion.  Malheureusement, Mohammed avait peu de pouvoir pour leur venir en aide.

Un esclave noir, Bilal, fut ligoté, nu, sous le soleil brûlant, et ses tortionnaires déposèrent sur son torse une énorme pierre.  Ils le pressèrent de renoncer à l’islam s’il voulait que cessent les tortures.  Mais son unique réponse fut « Ahad!  Ahad! (Dieu est unique! Dieu est unique!).   Alors qu’il était dans cet état, près de mourir, Abou Bakr l’aperçut et le racheta à ses maîtres pour une somme exorbitante.  Il fut soigné chez Mohammed et devint l’un de ses plus proches et plus chers compagnons.  Quand, beaucoup plus tard, on chercha un moyen d’appeler les gens à la prière, Bilal devint le premier mouezzine de l’islam (c’est-à-dire le premier à monter dans un minaret et à appeler, à haute voix, les musulmans à la prière).  On parlait de lui comme d’un homme Noir, grand et mince, doté d’une puissante voix, un visage de corbeau sous des cheveux gris, d’un homme chez qui le soleil, durant son supplice, avait tout brûlé à l’exception de son amour pour Dieu et pour Son messager.

Destruction du document

Frustrée de toutes parts, l’oligarchie mecquoise, sous le leadership d’Abou Jahl, rédigea un document officiel imposant un boycottage contre le clan Hashim tout entier.  Aucune transaction commerciale avec eux ne serait permise jusqu’à ce qu’ils bannissent Mohammed et nul n’aurait le droit d’épouser une de leurs femmes ni de donner leur fille à l’un de leurs hommes.  Pendant trois ans, le Prophète et les siens furent forcés de demeurer dans leur forteresse, située dans une des gorges montagneuses descendant vers la Mecque.

Avec le temps, certaines bonnes âmes de Qouraysh se lassèrent de boycotter des gens qui, après tout, étaient de vieux amis et voisins.  Ils s’arrangèrent pour obtenir une révision du document, qui avait été placardé à l’intérieur de la Ka’aba.  Mais lorsque le document fut apporté à l’extérieur, ils découvrirent qu’il avait été presque entièrement détruit par des fourmis blanches, à l’exception des mots « Bismika Allahouma » (en Ton nom, ô Dieu).  Quand les notables virent cela, ils annulèrent l’interdiction et le Prophète fut à nouveau libre de circuler dans la cité.  Entre-temps, cependant, l’opposition à son message s’était répandue et avait pris de l’ampleur.  Il n’eut que peu de succès auprès des Mecquois et lorsqu’il tenta, à nouveau, d’aller prêcher dans la ville de Taïf, il essuya un échec.  Sa mission se déroulait donc difficilement quand, au moment du pèlerinage, il rencontra un petit groupe d’hommes qui l’écouta avec attention.

(partie 5 de 12) : Préparation à l’émigration

Des hommes venus de Yathrib

Ils étaient venus de Yathrib accomplir le pèlerinage (Hajj).  Yathrib (aujourd’hui connue sous le nom de Médine) était une ville située à plus de 300 kilomètres de la Mecque.  Elle était sise dans une agréable oasis, reconnue de nos jours encore pour l’excellence de ses dattes.  Cette oasis, cependant, avait été la scène de conflits tribaux incessants.  Des juifs se battaient contre d’autres juifs, et des Arabes contre d’autres Arabes; des Arabes s’alliaient parfois à des juifs contre d’autres Arabes qui étaient alliés à d’autres juifs.  Tandis que la Mecque prospérait, Yathrib vivait dans la misère et elle avait grandement besoin d’un leader qui arriverait à unir ses habitants.

À Yathrib, il y avait des tribus juives dont les rabbins, versés dans les écritures, avaient souvent parlé aux païens d’un prophète à venir, parmi les juifs, avec lequel les juifs allaient anéantir les Arabes, tout comme les tribus de ‘Aad et de Thamoud avaient été détruites, par le passé, à cause de leur idolâtrie.

Le prophète Mohammed (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui), à ce stade de sa mission, allait, en secret, visiter différentes tribus des environs de la Mecque afin de les inviter à l’islam.  Une fois, il entendit un groupe d’hommes discuter à Aqaba, un lieu situé à l’extérieur de la Mecque; il demanda la permission de s’asseoir avec eux et ils acceptèrent avec plaisir.  Lorsque ces hommes, qui étaient de la tribu de Khazraj (une tribu de Yathrib), entendirent les paroles de Mohammed, ils reconnurent en lui le prophète que les juifs leur avaient décrit et les six embrassèrent l’islam.  Ils espéraient également que Mohammed, avec sa nouvelle religion, serait l’homme qui allait enfin les réunir avec la tribu de Aws, une tribu de Yathrib avec laquelle ils partageaient des ancêtres communs mais qui s’était éloignée d’eux suite à des années de guerres et d’hostilités.  Ils retournèrent à Yathrib avec la ferme intention d’y prêcher la religion de Mohammed.  Ainsi, il n’y eut bientôt plus une seule maison, à Yathrib, qui n’eût entendu parler de l’islam.  L’année suivante, c’est-à-dire en 621, quand vint le temps du pèlerinage, une délégation vint de Yathrib pour rencontrer le Prophète.

Le premier pacte d’Aqaba

Cette délégation était composée de douze hommes dont cinq faisaient partie du groupe de l’année précédente, et de deux membres de la tribu de Aws.  Ils rencontrèrent à nouveau le Prophète à Aqaba et lui prêtèrent serment d’allégeance, d’abord en leur nom et celui de leur épouse, promettant de ne rien associer à Dieu dans leur adoration, de ne pas voler ni de commettre l’adultère ni de tuer leurs enfants, même dans la pauvreté la plus extrême.  Et ils promirent également d’obéir au Prophète dans tout ce qu’il leur ordonnerait de juste et de bon.  Ce serment est connu comme le premier serment d’Aqaba.  Lorsqu’ils retournèrent à Yathrib, le Prophète envoya avec eux son premier ambassadeur, Mous’ab ibn ‘Omayr, pour enseigner aux nouveaux convertis les rudiments de la religion et prêcher à ceux qui n’avaient pas encore embrassé l’islam.

Mous’ab prêcha le message de l’islam jusqu’à ce que presque toutes les familles de Yathrib comptent au moins un musulman parmi leurs membres.  Et, avant le Hajj de l’année suivante, c’est-à-dire de l’année 622, Mous’ab retourna voir le Prophète et lui annonça le succès de sa mission et lui parla de la bonté et de la force de caractère des gens de Yathrib.

Le deuxième pacte d’Aqaba

En l’an 622, des pèlerins en provenance de Yathrib, dont soixante-treize musulmans et deux musulmanes, vinrent à la Mecque pour faire le Hajj.  Une nuit, alors que tout le monde dormait, les musulmans de Yathrib se rendirent en secret à un endroit convenu d’avance avec le Prophète, près des rochers d’Aqaba, pour lui prêter serment d’allégeance et l’inviter à venir s’installer dans leur ville.  Le Prophète était accompagné de son oncle, qui était toujours païen, mais qui défendait son neveu à cause des liens familiaux qui les unissaient.  Le Prophète s’adressa aux musulmans et les mit en garde contre les dangers inhérents à leur mission et contre le fait de ne pas respecter leur engagement.  Une autre personne, parmi les pèlerins, qui venait pour sa troisième saison de pèlerinage, les avertit des conséquences de leur engagement et qu’ils feraient mieux d’être bien préparés à le respecter.  Dans leur fervente détermination et par amour pour le Prophète, ils jurèrent de le défendre comme s’ils devaient défendre leur propre vie et celles de leurs épouses et enfants.  C’est à ce moment que la hijrah, c’est-à-dire l’émigration à Yathrib, fut décidée.

Cet événement est connu comme le Serment de guerre, car il impliquait la protection du Prophète, si nécessaire par les armes.  Et, peu de temps après l’émigration à Yathrib, les versets coraniques permettant d’entrer en guerre pour défendre la religion furent révélés.  Ces versets revêtent une importance particulière dans l’histoire de l’islam :

« Dieu autorise les gens à se défendre s’ils sont agressés.  Et Il est bien capable de donner la victoire à ceux qui ont été injustement chassés de leur maison uniquement pour avoir dit : « Notre Seigneur est Dieu. »  Si Dieu ne repoussait pas certains peuples par d’autres, les monastères, les églises, les synagogues et les mosquées où le nom de Dieu est souvent prononcé auraient assurément été démolis. » (Coran 22:39-40)

Cela constituait un tournant pour le prophète Mohammed, pour les musulmans et pour le monde entier.  Le destin du Prophète se réalisait, et un des aspects de sa mission prophétique consistait, pour lui, à présenter aux opprimés et aux victimes de persécution les différentes alternatives qui s’offraient à eux : d’un côté, la patience et l’indulgence; de l’autre, ce que les chrétiens appellent une « juste guerre ».  Le Coran dit :

« Et si Dieu ne freinait pas certains peuples par d’autres, la terre serait certainement corrompue. » (Coran 2:251)

Durant presque treize ans, le Prophète et ses fidèles avaient enduré insultes, menaces et persécutions sans jamais lever le petit doigt pour se défendre.  Ils avaient prouvé que cela était humainement possible.  Mais les circonstances avaient changé, maintenant, et demandaient une réponse différente si l’islam devait survivre, dans le monde, jusqu’à la fin des temps.  Il y a des moments pour la paix, mais il y a aussi des moments pour la guerre.  Et les musulmans n’oublient jamais que toute personne qui vient en ce monde y vient pour lutter d’une façon ou d’une autre, à des degrés différents, sinon physiquement, du moins spirituellement.  Ceux qui ignorent sciemment ce fait finissent toujours, tôt ou tard, par être asservis.

Complot pour tuer le Prophète

Par petits groupes, les musulmans sortirent discrètement de la Mecque et entreprirent le voyage jusqu’à Yathrib.  La hijrah (ou émigration) était commencée.

Pour Qouraysh, les limites de ce qu’ils pouvaient endurer avaient été dépassées.  Vivre entourés d’ennemis dans la cité était déjà difficile à gérer, mais maintenant, ces ennemis étaient en train d’établir un centre rival au nord.  La mort d’Abou Talib, l’oncle du Prophète, avait privé ce dernier de son principal protecteur parmi les hommes.  Retenus jusqu’alors par des considérations et des principes hérités de leurs ancêtres bédouins et par la crainte de causer une pénible querelle sanglante, les notables de la Mecque décidèrent finalement qu’il était préférable, pour eux, de supprimer Mohammed.  Abou Jahl proposa un plan fort simple.  De jeunes hommes, choisis parmi différents clans, lui porteraient chacun un coup mortel, de sorte que son sang se retrouverait sur chacun d’entre eux.  Ainsi, le clan Hashim ne pourrait exiger le prix du sang de tous ces clans à la fois.

 (partie 6 de 12) : La hijrah du Prophète

La hijrah, en l’an 622

Pendant que les musulmans fuyaient la Mecque par petits groupes, le Prophète, en compagnie de quelques proches, attendait l’ordre divin qui lui permettrait d’aller rejoindre les autres à Yathrib.  Quand l’ordre descendit enfin, il donna son manteau à Ali et le fit étendre sur son lit de sorte que quiconque aurait l’idée de regarder à l’intérieur croirait le voir, lui.  Les assassins devaient frapper au moment où il sortirait de chez lui, durant la nuit ou tôt le matin.  Il savait qu’ils ne feraient aucun mal à Ali.  Ils entouraient déjà sa maison lorsqu’il en sortit en douce, sans être vu.  Il se rendit chez Abou Bakr et ils allèrent tous deux se réfugier dans une caverne située dans une montagne déserte; ils y restèrent cachés jusqu’à ce que l’agitation et les clameurs s’estompent.  À la tombée de la nuit, le fils, la fille et le berger d’Abou Bakr leur apportaient de la nourriture et les informaient des dernières nouvelles.  Une fois, un groupe de recherche ennemi passa si près de leur cachette qu’ils arrivaient à saisir leurs paroles.  Abou Bakr eut peur et dit : « Ô Messager de Dieu!  Si l’un d’eux vient à regarder vers le bas, il nous verra! »  Mais le Prophète répondit :

« Que penses-tu de deux personnes dont le troisième compagnon est Dieu?  Ne crains rien, car Dieu est avec nous. » (Sahih al-Boukhari)

Lorsque le groupe de recherche s’éloigna, Abou Bakr envoya demander qu’on apporte des chameaux et un guide à la tombée du jour, puis ils entreprirent le voyage jusqu’à Yathrib.

Après avoir voyagé durant plusieurs jours en empruntant des chemins peu fréquentés, ils atteignirent une banlieue de Yathrib appelée Qoubaa.  À cet endroit, comme les gens avaient entendu dire que le Prophète avait quitté la Mecque, ils sortaient chaque matin, grimpaient sur les collines pour guetter au loin sa venue, jusqu’à ce que la chaleur insupportable les force à rentrer.  Le Prophète et ses compagnons de voyage arrivèrent en milieu de journée, après que les gens se soient retirés chez eux.  Un juif qui était à l’extérieur les vit approcher et informa les musulmans que ceux qu’ils attendaient étaient enfin arrivés.  Les musulmans sortirent les accueillir.

Le Prophète resta quelques jours à Qoubaa, où il établit les fondations de la première mosquée de l’histoire de l’islam.  Entre-temps, Ali, qui avait quitté la Mecque à pied trois jours après le Prophète, était lui aussi arrivé.  Le Prophète, ses compagnons de la Mecque et les « alliés » de Qoubaa se rendirent avec lui à Médine, où les gens attendaient leur arrivée avec impatience.

Les habitants de Médine (Yathrib) n’avaient jamais connu un jour plus heureux que celui-là.  Anas, un proche compagnon du Prophète, a raconté :

« J’étais présent le jour où le Prophète arriva à Médine et je n’ai jamais connu un jour meilleur et plus heureux que celui-là.  J’étais présent, également, le jour où il quitta ce monde et je n’ai jamais connu un jour plus sombre que celui-là. »  (Ahmed)

Chaque famille de Médine espérait que le Prophète viendrait s’installer chez elle et certaines personnes tentèrent même de diriger sa chamelle vers leur maison.  Mais il les arrêta et dit :

« Laissez-la, car elle est guidée par Dieu. »

Elle dépassa plusieurs maisons, puis elle s’arrêta et s’agenouilla sur la terre de Banou Najjaar.  Le Prophète n’en descendit pas tout de suite; elle se releva, marcha un peu, puis se retourna et revint au même endroit et s’agenouilla de nouveau.  Alors le Prophète en descendit.  Il était satisfait du choix de sa chamelle, car Banou Najjaar comptait ses oncles maternels parmi ses membres et il souhaitait les honorer en allant chez eux.  Lorsque des membres de la famille commencèrent à sortir de leur maison pour l’inviter à y entrer, un certain Abou Ayyoub s’avança vers sa monture et la guida vers sa maison.  Le Prophète dit :

« Un homme suit sa monture. »  (Sahih al-Boukhari, Sahih Mouslim)

La première tâche qu’il entreprit, à Médine, fut la construction d’une mosquée.  Il envoya chercher les deux garçons qui possédaient la palmeraie qui occupait le terrain qu’il avait choisi pour sa construction et leur en demanda le prix.  Ils répondirent : « Nous t’en faisons cadeau, ô prophète de Dieu! ».  Le Prophète (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui) refusa toutefois leur offre, les paya et construisit une mosquée à cet endroit, participant lui-même aux travaux.  Tout en travaillant, les gens l’entendirent prononcer les paroles suivantes :

« Ô Dieu!  La seule vie est celle de l’au-delà.  Pardonne aux alliés et aux émigrants.  (Sahih al-Boukhari)

La mosquée servait de lieu de prière pour les musulmans.  La prière, qui avait jusque-là été un acte individuel accompli en secret, était maintenant accomplie ouvertement et elle était devenue le symbole de la société musulmane.  L’époque où les musulmans et l’islam étaient opprimés et écrasés était révolue.  Maintenant, le adhan, c’est-à-dire l’appel à la prière, serait prononcé à voix haute et son appel retentirait jusque dans chaque maison afin de rappeler à chaque musulman de respecter ses obligations envers son Créateur.  En plus d’être un lieu de prière, la mosquée était une école où les musulmans apprenaient les divers éléments de leur religion, un lieu de rencontre où les différends de divers groupes étaient résolus et un lieu administratif à partir duquel on gérait les affaires sociales; c’était un véritable symbole de la façon dont l’islam englobe toutes les facettes de la vie quotidienne.  On s’acquittait de toutes ces tâches en ce lieu que l’on avait construit à partir des troncs des palmiers qui y étaient déjà et dont le toit avait été fait à partir des branches de ces mêmes palmiers.

Lorsque la construction de la mosquée fut terminée, il construisit également des maisons de chaque côté de celle-ci pour sa famille, encore une fois à partir des troncs de palmiers.  La mosquée et la maison du Prophète à Médine sont toujours là, de nos jours.

La hijrah était terminée.  C’était le 23 septembre 622 et l’ère islamique (le calendrier musulman) commence à partir de ce jour-là.  C’est également ce jour-là  que Yathrib fut rebaptisée : on lui donna le nom de Madinat-oun-Nabi, c’est-à-dire la Cité du Prophète, communément appelée Médine.

C’est ainsi que se déroula la hijrah, l’émigration de la Mecque à Yathrib.  Les treize années d’humiliation, de persécution, de succès mitigé et d’une mission prophétique difficile à mener faisaient maintenant partie du passé.

C’était le début de dix années de succès à venir, du plus grand succès ayant jamais couronné les efforts d’un homme.  Jusque-là, il n’avait été qu’un prêcheur.  Mais à partir de ce moment, il devint le dirigeant d’un État, d’abord un tout petit État qui, en l’espace de dix ans, allait devenir l’empire d’Arabie.  La hijrah marque une division claire dans l’histoire de la mission du Prophète, division que l’on retrouve également dans le Coran.  Les révélations de Dieu dont lui et ses fidèles avaient besoin, maintenant, n’étaient pas du même genre que celles dont ils avaient eu besoin lorsqu’ils étaient opprimés, à la Mecque.  C’est pourquoi, dans le Coran, les sourates révélées à la Mecque diffèrent de celles révélées à Médine; les premières s’adressent aux individus et à leurs états d’âme, de même qu’au Prophète en tant qu’avertisseur, tandis que les autres s’adressent surtout aux musulmans en tant que communauté sociale et politique et au Prophète en tant qu’exemple à suivre, législateur et réformateur.

(partie 7 de 12) : Une nouvelle étape à Médine

La pauvreté était le lot quotidien du prophète Mohammed.  Son repas principal était habituellement composé de gruau, de dattes et de lait, son seul autre repas de la journée étant composé de dattes et d’eau.  Mais il restait souvent sur sa faim, au point où il attachait une pierre plate sur son estomac pour en soulager la douleur.  Un jour, une femme lui donna une cape – dont il avait cruellement besoin – mais cette même journée, en soirée, quelqu’un la lui demanda pour en faire un linceul et il la lui donna.  Ceux qui avaient de petits surplus lui apportaient de la nourriture, mais il était rare qu’il la garde assez longtemps pour avoir le temps d’y goûter, car il trouvait toujours quelqu’un qui en avait encore plus besoin que lui.  Avec des forces physiques déclinantes – il avait maintenant cinquante-deux ans – il lutta pour bâtir une nation basée sur l’islam avec les personnes de tous genres dont Dieu l’avait entouré.

Doté d’une force de caractère alliée à des talents diplomatiques extraordinaires, le Prophète commença à réconcilier les différentes factions ennemies de Médine.  Avec l’arrivée continue de nouveaux émigrants, il devenait essentiel de créer un réseau de soutien pour ces nouveaux arrivants.  Afin que ces derniers s’intègrent plus facilement, il imagina un système de jumelage où chaque allié (ansar) prendrait un émigrant (mouhajiroun) comme frère, en ce sens qu’il le traiterait comme tel en toutes circonstances, jusqu’à le faire hériter de lui avec les autres membres de sa famille.  À l’exception de quelques-uns, les émigrants avaient tout perdu et étaient totalement dépendants de leurs nouveaux frères.  Certains Ansars allèrent même jusqu’à donner à leur nouveau frère la moitié de ce qu’ils possédaient en biens immobiliers, en actifs, en terres et en palmeraies.  Tel était l’enthousiasme des Ansars à l’égard de leurs frères en religion.  Dans la plupart des cas, ils s’efforcèrent de donner aux émigrants une part équitable de leurs biens.

On pourrait presque qualifier de miraculeux le fait que cette situation n’ait engendré aucun ressentiment chez ceux qui furent soudainement obligés d’accueillir chez eux de parfaits étrangers.  Ce lien fraternel remettait en question tous les liens ancestraux ou les liens basés sur la couleur, la nationalité et d’autres facteurs sur lesquels les Ansars fondaient leur honneur.  Les seuls liens qui importaient, désormais, étaient les liens basés sur la religion.  Rarement a-t-on vu, dans l’histoire, la force de la foi métamorphoser des hommes à ce point.

Les musulmans mecquois, cependant, n’avaient rien oublié de leur savoir-faire.  Un émigrant à qui son nouveau frère demanda : « Ô toi qui es pauvre, comment puis-je t’aider?  Ma maison et mes biens sont à ta disposition! » lui répondit : « Ô mon bon ami, montre-moi seulement le chemin pour me rendre au marché.  Le reste se fera tout seul. »  On raconte que cet émigrant commença par vendre du fromage et du beurre clarifié et eut bientôt suffisamment d’argent pour payer la dot d’une fille du coin.  Un peu plus tard, il fut même assez riche pour équiper une caravane de 700 chameaux.

De telles initiatives étaient évidemment encouragées, mais certains ne possédaient pas ce genre d’habiletés et n’avaient ni famille ni biens.  Ils passaient leurs journées dans la mosquée et le soir, le Prophète leur faisait rencontrer des Ansars.   Les gens les surnommèrent Ahl-ous-Souffa.  Certains mangeaient à la table du Prophète – quand il y en avait suffisamment – ou se nourrissaient d’orge grillé fourni par la communauté.

Durant la première année de son règne à Yathrib, le Prophète exigea un engagement solennel d’obligation mutuelle entre son peuple et les tribus juives de Médine et de ses environs, dans lequel toutes les parties acceptaient que tous jouissent du même statut en tant que citoyens, de même que d’une totale liberté religieuse, et que chacun défende les autres s’ils étaient attaqués.

Mais l’idée que les juifs se faisaient d’un Prophète était celle d’un homme qui les ferait régner sur les autres.  De plus, ils auraient voulu qu’il soit juif et non arabe.  Par ailleurs, les juifs avaient grandement profité des querelles entre les tribus arabes, car c’est à travers cette instabilité, dans la région, qu’ils s’étaient hissés au-dessus des autres dans le domaine du commerce.  Ils voyaient donc la paix entre les tribus de Médine comme une menace et non comme une bonne nouvelle.

Aussi, parmi les habitants de Médine, certains éprouvaient du ressentiment envers les nouveaux émigrants mais préféraient se taire pour un temps.  Le plus puissant d’entre eux, Abdoullah ibn Oubayy ibn Saloul, était fort mécontent de l’arrivée du Prophète, car il avait été le leader de Yathrib jusqu’à son arrivée.   Il avait accepté l’islam pour la forme, mais allait plus tard trahir les musulmans et devenir le leader de ceux qu’on appelait les « hypocrites ».

Leur haine commune du Prophète, des musulmans et de la nouvelle situation sociale et politique de Yathrib amena naturellement les juifs et les « hypocrites » à former une alliance.  Ils ne tarirent pas d’efforts pour éloigner les musulmans de l’islam, ourdirent toutes sortes de plans et de complots contre eux.  C’est pour cette raison qu’il est fréquemment fait mention des juifs et des hypocrites dans les sourates du Coran révélées à Médine.

La Qiblah

La Qiblah (i.e. la direction dans laquelle prient les musulmans) avait jusqu’alors été Jérusalem.  Les juifs s’imaginaient que ce choix sous-entendait une inclination vers le judaïsme et que le Prophète, d’une certaine façon, attendait leurs instructions.  Celui-ci, de son côté, souhaitait voir la Qiblah changée pour la Ka’aba, le premier endroit sur terre construit pour l’adoration de Dieu et reconstruit plus tard par Abraham.  Au cours de la seconde année après l’émigration, le Prophète reçut l’ordre divin de changer la Qiblah pour la Ka’aba, située à la Mecque.  Toute une partie de la sourate al-Baqarah se rapporte à cette controverse.

Les premières expéditions

Les premières préoccupations du Prophète, en tant que dirigeant, furent de permettre aux musulmans de prier ouvertement et en public et d’établir une constitution, tout en gardant à l’esprit la menace de Qouraysh, qui avait juré de mettre un terme à cette nouvelle religion.  Enragés que le Prophète ait réussi à émigrer à Médine, ils s’acharnèrent davantage sur les musulmans restés à la Mecque, les persécutant et les torturant sans relâche.  Et leurs complots diaboliques ne s’arrêtèrent pas là : ils tentèrent d’établir des alliances secrètes avec certains polythéistes de Médine comme Abdoullah ibn Oubayy, lui ordonnant de tuer ou d’expulser le Prophète.  Ils envoyaient régulièrement des lettres de menaces aux musulmans de Médine, leur annonçant leur destruction prochaine.  Tant de personnes rapportèrent au Prophète les complots des polythéistes qu’il demanda que des gardes soient positionnés autour de chez lui.  C’est à ce moment que Dieu donna aux musulmans la permission de prendre les armes contre les mécréants.

Durant treize ans, les musulmans avaient été de purs pacifistes.  Mais maintenant, ce n’était plus le cas; plusieurs petites expéditions furent envoyées, menées soit par le Prophète soit par un des émigrants de la Mecque, afin de reconnaître les routes menant à la Mecque et aller former des alliances avec d’autres tribus.  D’autres expéditions furent envoyées pour intercepter des caravanes revenant de Syrie et se dirigeant vers la Mecque, permettant ainsi aux musulmans d’exercer une pression économique sur Qouraysh afin qu’ils cessent de persécuter les musulmans, tant à la Mecque qu’à Médine.  Seules quelques-unes de ces expéditions dégénérèrent en batailles.  De façon générale, c’est par elles que les musulmans arrivèrent à établir leur nouveau statut dans la Péninsule Arabe; ils ne formaient plus un peuple faible et opprimé, ils étaient devenus plus forts et étaient devenus une puissance redoutable que leurs ennemis devaient se garder de sous-estimer.

(partie 8 de 12) : La bataille de Badr

La campagne de Badr

Lors d’une expédition, une caravane de Qouraysh, en route pour la Syrie, échappa aux musulmans.  Alors ces derniers attendirent son retour.  Des éclaireurs musulmans l’aperçurent à son retour, menée par Abou Soufyan lui-même.  Ils coururent avertir le Prophète et lui donnèrent des détails sur sa taille.  Si cette caravane était interceptée, cela aurait un impact économique majeur sur Qouraysh, impact qui se répercuterait sur toute la société mecquoise.  Les éclaireurs rapportèrent que la caravane ferait une halte aux puits de Badr; les musulmans se préparèrent donc à l’intercepter.

Abou Soufyan eut vent des intentions des musulmans; il envoya une missive urgente à la Mecque, demandant à ce qu’une armée soit envoyée pour s’occuper d’eux.  Comprenant à quel point les conséquences seraient catastrophiques si la caravane était interceptée, ils rassemblèrent le plus d’hommes possible et partirent à la rencontre des musulmans.  En route vers Badr, l’armée reçut la nouvelle qu’Abou Soufyan avait réussi à échapper aux musulmans en détournant la caravane vers une autre route longeant la mer.  L’armée mecquoise, composée d’un millier d’hommes, poursuivi son chemin jusqu’à Badr afin de donner une leçon aux musulmans et de les dissuader de jamais attaquer une autre caravane dans le futur.

Quand les musulmans apprirent l’arrivée imminente de l’armée mecquoise, ils comprirent qu’ils devaient prendre rapidement une décision courageuse, voire audacieuse.  Car s’ils n’allaient pas à leur rencontre, à Badr, les Mecquois continueraient d’attaquer l’islam de toutes parts et peut-être même viendraient-ils jusqu’à Médine prendre les vies, les propriétés et les biens des musulmans.  Le Prophète (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui) tint une réunion consultative afin d’établir un plan d’action.  Il ne voulait pas prendre la tête des musulmans, et plus particulièrement des Ansars qui composaient la majeure partie de l’armée et qui n’étaient même pas tenus, par le serment d’Aqaba, de combattre au-delà de leurs territoires et de participer à une bataille avec laquelle ils n’étaient pas nécessairement d’accord.

Un homme parmi les Ansars, Sa’d ibn Mou’aadh, se leva et réaffirma leur dévouement au Prophète et à la cause de l’islam.  Il dit :

« Ô prophète de Dieu!  Nous croyons en toi et nous sommes témoins de ce dont tu nous as gratifiés.  Et nous déclarons, en termes non équivoques, que ce que tu nous as transmis est la Vérité.  Nous te prêtons un serment d’obéissance et de sacrifice ferme et énergique.  Nous t’obéissons de notre plein gré en tout ce que tu nous ordonnes et, par Dieu qui t’a envoyé avec la Vérité, si tu nous demandais de plonger dans la mer, nous le ferions sans hésiter et aucun de nous ne resterait derrière.  L’idée d’affronter l’ennemi ne nous fait pas reculer.  Nous avons l’expérience de la guerre et on peut compter sur nous pour combattre.  Nous espérons que Dieu te fera voir, par nos propres mains, ces actes de bravoure qui te feront plaisir.  Cela dit, nous te prions, au nom de Dieu, de bien vouloir nous mener au champ de bataille. »

Après cette démonstration de soutien et d’amour inconditionnels envers le Prophète et l’islam, à la fois des émigrants et des Ansars, les musulmans, au nombre d’environ 300, prirent le chemin de Badr.  Comme ils n’avaient que soixante-dix chameaux et trois chevaux, ils les montèrent à tour de rôle.  Ils avancèrent pour aller à la rencontre de ce qui allait plus tard être appelé al-Yawm al-Fourqan, c’est-à-dire le Jour du discernement; discernement entre la lumière et l’obscurité, entre le bien et le mal, entre le vrai et le faux.

La nuit précédent l’affrontement, le Prophète la passa en prières et en invocations.  La bataille eut lieu le 17 du mois de Ramadan de la deuxième année de la Hijrah (correspondant à l’an 624).  Les Arabes avaient l’habitude de commencer les batailles par des duels.  Les musulmans prirent le dessus lors de ces préliminaires, au cours desquels certains notables de Qouraysh perdirent la vie.  Enragés, les membres de Qouraysh foncèrent sur les musulmans, déterminés à les éliminer une fois pour toutes.  Les musulmans gardèrent une position de défense stratégique, ce qui provoqua de lourdes pertes chez les Mecquois.  Le Prophète suppliait son Seigneur de toutes ses forces, tendant les bras si haut que sa cape tomba de ses épaules.  C’est à ce moment qu’il reçut une révélation lui promettant l’aide de Dieu :

« Je vais vous aider (en vous envoyant) un millier d’anges déferlant les uns à la suite des autres. » (Coran 8:9)

Apprenant cette bonne nouvelle, le Prophète ordonna aux musulmans de passer à l’offensive.  L’imposante armée de Qouraysh fut complètement décontenancée par le zèle, la bravoure et la foi déterminée des musulmans.  Et, après avoir essuyé de lourdes pertes, elle ne put faire autrement que de fuir.  Les musulmans se retrouvèrent seuls sur le champ de bataille avec les corps de quelques Mecquois, dont le plus grand ennemi de l’islam, Abou Jahl.  Qouraysh venait d’être défaite et Abou Jahl, tué.  La promesse de Dieu s’était réalisée :

« Ils seront bientôt mis en déroute et fuiront. » (Coran 54:45)

À l’issue de cette bataille, qui fut l’une des plus décisives de l’histoire de l’islam, on ne compta qu’entre soixante-dix et quatre-vingts victimes.

La Mecque chancela sous le choc de la nouvelle.  Abou Soufyan devint la figure dominante de la cité et il savait mieux que quiconque que cette affaire ne pouvait en rester là.  Le succès engendre le succès et les tribus bédouines, comprenant rapidement de quel côté se trouvait le pouvoir, furent de plus en plus tentées de s’allier aux musulmans.  C’est ainsi que l’islam gagna de nombreux nouveaux convertis à Médine.

(partie 9 de 12) : La trahison d’anciens alliés

La bataille du Mont Ouhoud

Au cours de l’année suivante, une armée composée de trois mille hommes partit de la Mecque pour venir détruire Yathrib.  La première idée du Prophète, au départ, fut de simplement défendre la ville, un plan qu’Ibn Oubayy, leader des « hypocrites », approuva fortement.  Mais les hommes qui s’étaient battus à Badr, croyant que Dieu les aiderait en toutes circonstances, virent comme une honte le fait d’attendre derrière des murs.

Devant leur foi et leur ferveur, le Prophète céda et partit avec une armée de mille hommes vers le Mont Ouhoud, où les attendait l’ennemi.  Pour se venger, Ibn Oubayy et ses hommes, qui composaient le tiers de l’armée, se retirèrent.  En dépit des lourdes pertes, la bataille d’Ouhoud se serait soldée par une victoire encore plus grande que celle de Badr, pour les musulmans, si ce n’avait été de la désobéissance d’un groupe de cinquante archers auquel le Prophète avait demandé de monter la garde devant un passage que pouvait emprunter la cavalerie ennemie.  Croyant que leur armée avait remporté la bataille, ils quittèrent leur position, craignant de voir leur part du butin leur échapper.  C’est à ce moment que la cavalerie ennemie s’engouffra par le passage ainsi libéré et fonça sur les musulmans.  Le Prophète lui-même fut blessé et la rumeur de sa mort commença à courir parmi les combattants jusqu’à ce que quelqu’un le reconnaisse et clame à tue-tête qu’il était encore vivant.  Les musulmans, se regroupant autour du Prophète, battirent en retraite, laissant de nombreux morts sur le coteau.  Ce territoire appartenait aux Mecquois; les femmes de Qouraysh commencèrent à circuler parmi les corps, se lamentant auprès de ceux appartenant aux leurs et mutilant ceux des musulmans.  Le corps de Hamzah, le jeune oncle et ami d’enfance du Prophète, était du nombre, et l’abominable Hind, épouse d’Abou Soufyan qui en voulait particulièrement à Hamzah et qui avait donné une récompense à l’homme qui l’avait tué, ouvrit son corps, en sortit le foie et en mâchouilla une partie.  Le jour suivant, le Prophète sortit à nouveau avec son armée afin que Qouraysh l’apprenne et soit dissuadé d’attaquer Médine.  Le stratagème fonctionna grâce à un bédouin qui croisa les musulmans et discuta avec eux.  Puis, il poursuivit son chemin et croisa l’armée de Qouraysh.  Interrogé par Abou Soufyan, il lui dit que Mohammed, plus fort que jamais et assoiffé de vengeance, les attendait sur le champ de bataille avec son armée.  Apprenant cela, Abou Soufyan décida de retourner à la Mecque.

Massacres de musulmans

Le revers qu’ils avaient subi sur le Mont Ouhoud avait réduit le prestige des musulmans aux yeux des tribus arabes et des juifs de Yathrib.  Des tribus qui avaient jusque-là penché en faveur des musulmans penchaient maintenant en faveur de Qouraysh.  Des compagnons du Prophète se faisaient désormais attaquer et même tuer lorsqu’ils voyageaient en petits groupes.  Khoubayb, un de ses messagers, fut capturé par une tribu du désert et vendu à Qouraysh, qui le tortura à mort, sur la place publique, à la Mecque.

Expulsion de Bani Nadhir

En dépit du traité conclu avec les musulmans, les juifs, désormais, cachaient difficilement leur hostilité envers eux.  Ils se mirent à négocier des alliances avec Qouraysh et les « hypocrites », et tentèrent même d’assassiner le Prophète.  Ce dernier se vit dans l’obligation de prendre des mesures punitives contre certains d’entre eux.  La tribu de Bani Nadhir fut assiégée dans ses forteresses, sa résistance se trouva affaiblie et elle fut forcée d’émigrer.

Bataille des tranchées

Abou Soufyan avait probablement compris que les représailles « œil pour œil, dent pour dent » étaient devenues inutiles.  Soit il faisait tomber les musulmans une fois pour toutes, soit il perdait la guerre de façon définitive.  Usant de ses talents diplomatiques, il planifia de former une confédération de tribus bédouines dont certaines étaient violemment opposées aux musulmans et les autres uniquement intéressées par un éventuel butin.  En même temps, il commença à sonder secrètement les juifs de Médine au sujet d’une possible alliance.  Au cours de la cinquième année de la Hijrah (i.e. au début de l’an 627), il partit avec 10 000 hommes en direction de Médine, ce qui constituait la plus imposante armée jamais vue dans le Hijaz (la partie occidentale de la Péninsule arabe).  Médine, de son côté, ne pouvait en rassembler plus de 3000 pour leur résister.

Le Prophète tint un conseil de guerre et cette fois, personne ne suggéra d’aller à la rencontre de l’ennemi.  Leur principale préoccupation concernait la meilleure façon de protéger la cité.  C’est à ce moment que Salman le Persan, un ancien esclave qui était devenu l’un des plus proches compagnons du Prophète, suggéra de creuser de profondes tranchées tout autour de la cité entre les champs de lave et les forteresses.  Il s’agissait d’une tactique sans précédent dans les guerres entre peuples arabes, mais elle plut immédiatement au Prophète et ils se mirent tous au travail, lui y compris.

Le travail était à peine terminé lorsque l’armée des confédérés apparut à l’horizon.  Tandis que les musulmans attendaient l’assaut, ils apprirent que Bani Qouraydhah, une tribu juive de Yathrib qui avait jusque-là été loyale, était passée à l’ennemi.  L’affaire semblait désespérée.  Le Prophète fit venir chaque homme disponible près des tranchées, laissant la cité aux commandes d’un musulman aveugle, et l’ennemi fut accueilli par une pluie de flèches alors qu’il s’approchait de l’obstacle inattendu.  Abou Soufyan et ses hommes ne purent jamais le traverser, mais demeurèrent en position durant trois ou quatre semaines, échangeant des flèches et des insultes avec les défenseurs de la cité.  La température changea, des vents glaciaux se mirent à balayer l’endroit, accompagnés de pluies torrentielles; c’était plus que ce que les bédouins confédérés pouvaient supporter.  Ils avaient suivi l’armée de Qouraysh en croyant obtenir facilement un butin et ils savaient qu’ils n’avaient rien à gagner à attendre près d’une tranchée boueuse, sous une pluie battante, à regarder leurs bêtes mourir à cause du manque de fourrage.  Ils disparurent les uns après les autres sans même saluer Abou Soufyan.  L’armée de désintégra et il se vit lui-même forcé de se retirer.  Le jeu était terminé.  Et il avait perdu.

(partie 10 de 12) : Le traité de Houdaybiyyah

Représailles contre Bani Qouraydhah

Rien n’est pire, aux yeux des Arabes, que de trahir la confiance et violer un serment fait de façon solennelle.  Il était donc temps, maintenant, de s’occuper de Bani Qouraydhah.  Le jour où les musulmans revinrent des tranchées, le Prophète déclara la guerre contre la traître Bani Qouraydhah qui, consciente de sa culpabilité, s’était déjà réfugiée dans ses forteresses.  Après un siège qui dura près d’un mois, ils durent se rendre sans conditions.  Tout au plus supplièrent-ils d’être jugés par un membre d’une tribu arabe de laquelle ils étaient partisans.  Ils choisirent le chef du clan avec lequel ils avaient une alliance de longue date, Sa’d ibn Mou’adh, de Aws.  Ce dernier, suite aux blessures qu’il avait subies durant la bataille d’Ouhoud, était mourant et dut être porté pour pouvoir prononcer son jugement.  Sans hésiter, il condamna à mort les hommes de la tribu.

Houdaybiyyah

Au cours de la même année, le Prophète eut une vision dans laquelle il se vit entrer à la Mecque sans rencontrer de résistance; c’est alors qu’il prit la décision d’accomplir le pèlerinage.  En plus d’un certain nombre de musulmans de Médine, il offrit aux tribus arabes alliées, dont le nombre avait passablement augmenté après la déconfiture de Qouraysh lors de la bataille des tranchées, de l’accompagner.  Cependant, la plupart refusèrent son offre.  Ce sont donc mille quatre cents homme, vêtus en pèlerins et amenant avec eux les bêtes à sacrifier, qui entreprirent le voyage jusqu’à la Mecque.  Comme il s’en approchaient, un ami de la cité vint à leur rencontre et avertit le Prophète que Qouraysh avait juré de les empêcher d’entrer dans le sanctuaire et que leur cavalerie était déjà en route.  Alors le Prophète ordonna à ses hommes de faire un détour par les gorges des montagnes.  Ces derniers étaient donc épuisés lorsqu’ils descendirent finalement dans la vallée de la Mecque.  Ils campèrent dans un endroit appelé Houdaybiyyah.  Là, le Prophète tenta de parvenir à une entente avec Qouraysh, expliquant qu’ils ne venaient qu’en tant que pèlerins.  Le premier messager qu’il envoya fut maltraité et son chameau blessé aux jarrets.  Il revint donc sans avoir pu transmettre son message.  Qouraysh, de son côté, envoya un messager qui s’avéra fort arrogant et menaçant dans ses paroles.  Un autre de leurs envoyés s’adressa au Prophète de façon si familière qu’on dût lui rappeler sévèrement le respect qu’il devait manifester envers ce dernier.  C’est lui qui, en revenant à la Mecque, dit : « J’ai vu César et Khosro dans leur splendeur, mais jamais je n’ai vu d’homme plus honoré par ses compagnons que ne l’est Mohammed. »

Le Prophète voulut alors envoyer un messager qu’il imposerait le respect.  Il choisit Outhman à cause de son lien de parenté avec la puissante famille Oumayyad.  Tandis que les musulmans attendaient son retour, quelqu’un vint leur annoncer qu’Outhman avait été assassiné.  C’est à ce moment que le Prophète, assis sous un arbre, à Houdaybiyyah, fit prêter serment à tous ses compagnons qu’ils résisteraient tous ensemble ou tomberaient tous ensemble.  Mais par la suite, ils apprirent qu’en réalité, Outhman n’avait pas été assassiné.  Puis, une troupe sortie de la Mecque pour venir attaquer les musulmans fut capturée et amenée devant le Prophète, qui leur pardonna suite à leur promesse de renoncer à toute hostilité.

Trêve de Houdaybiyyah

Qouraysh envoya par la suite de meilleurs messagers.  Après quelques négociations, la trêve de Houdaybiyyah fut signée.  Elle stipulait qu’il n’y aurait plus d’hostilités entre les deux parties pour une période de dix ans.  Que le Prophète devait retourner à Médine sans avoir visité la Ka’aba, mais qu’on le laisserait accomplir le pèlerinage avec ses compagnons l’année suivante.  Qouraysh promit d'évacuer la Mecque pour leur permettre de le faire.  Durant la période de la trêve, les déserteurs de Qouraysh venus rejoindre les musulmans seraient retournés chez eux, mais les déserteurs musulmans allés rejoindre la Mecque ne le seraient pas.  Toute tribu ou clan souhaitant faire partie du traité en tant qu’allié(e) de Qouraysh pourrait le faire.  Les musulmans furent consternés en apprenant les clauses du traité.  Ils se demandèrent, entre eux : « À quand cette victoire qui nous a été promise? »

Comme ils revenaient chez eux, en provenance de Houdaybiyyah, la sourate intitulée « la victoire » fut révélée.  En réalité, cette trêve s’avéra être la plus grande victoire obtenue par les musulmans jusque-là.  La guerre avait constitué une barrière entre eux et les idolâtres, mais maintenant, les deux parties s’étaient rencontrées et avaient discuté, et à partir de là, l’islam se répandit plus vite que jamais.  Au cours des deux années qui s’écoulèrent entre la signature du traité et la chute de la Mecque, le nombre de convertis fut plus important que le nombre total de convertis depuis les débuts de l’islam.  Le Prophète s’était déplacé jusqu’à Houdaybiyyah avec 1400 hommes.  Deux ans plus tard, lorsque les Mecquois violèrent la trêve, il alla les affronter avec une armée de 10 000 hommes.

(partie 11 de 12) : Le retour à la Mecque

La campagne de Khyber

Au cours de la septième année de la Hijrah, le Prophète (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui) mena une campagne contre Khyber, bastion des tribus juives dans le Nord de l’Arabie qui était devenu un véritable guêpier pour ses ennemis.  C’est à Khyber qu’une juive avait servi de la viande empoisonnée au Prophète, viande dont il n’avait prit qu’une seule bouchée.  À peine la viande avait-elle touchée ses lèvres qu’il s’était rendu compte qu’elle était empoisonnée.  Sans l’avaler, il avait mis en garde ses compagnons, mais un des musulmans en avait déjà avalé un morceau et il en était mort.  La femme qui avait préparé et servi cette viande fut condamnée à mort.

Pèlerinage à la Mecque

Au cours de la même année, la vision que le Prophète avait eue au sujet du pèlerinage à la Mecque se réalisa : il entra à la Mecque sans trouver de résistance.  Respectant les clauses de la trêve, les idolâtres évacuèrent la cité et, à partir des hauteurs environnantes, regardèrent les musulmans accomplir leur pèlerinage.

La trêve violée par Qouraysh

Un peu plus tard, une tribu alliée à Qouraysh viola la trêve en attaquant une tribu alliée au Prophète et en massacrant ses membres jusque dans le sanctuaire de la Mecque.  Par la suite, terrifiés à l’idée des conséquences que pourrait avoir leur geste, ses membres envoyèrent Abou Soufyan à Médine pour demander à ce que le traité soit renouvelé et que ses clauses soient prolongées.  Ils espéraient qu’il y arriverait avant que les nouvelles du massacre n’atteignent Médine.  Mais un messager de la tribu qui avait été attaquée avait devancé Abou Soufyan et ce dernier ne put entamer aucunes négociations.

La conquête de la Mecque

Le Prophète rassembla tous les musulmans en âge de porter les armes et marcha sur la Mecque.  Qouraysh en fut terriblement effrayé.  Sa cavalerie se mit en position de défense devant la cité mais fut rapidement mise en déroute sans effusion de sang.  C’est ainsi que le Prophète entra dans sa ville natale en conquérant.

Ses habitants craignaient qu’il cherche à se venger d’eux, mais le Prophète proclama une amnistie générale.  Surprise et soulagée, la plus grande partie de la population s’empressa de lui prêter serment d’allégeance.  Le Prophète ordonna la destruction de toutes les idoles se trouvant dans le sanctuaire et ajouta : « La vérité est venue et les ténèbres se sont dissipées ».  Puis, on entendit l’appel à la prière résonner dans toute la Mecque.

La bataille de Hounayn

Au cours de la même année, il y eut un rassemblement de tribus païennes en colère qui souhaitaient reprendre le contrôle de la Ka’aba.  Le Prophète les affronta avec une armée de douze milles hommes.  À Hounayn, dans un profond ravin, ses troupes furent prises dans une embuscade et passèrent près d’être mises en déroute.  C’est avec beaucoup de difficulté qu’elles parvinrent à rejoindre le Prophète et ses fidèles compagnons qui, seuls, faisaient face à l’ennemi.  Mais la victoire, lorsqu’elle vint, fut éclatante et ils récoltèrent un important butin, car plusieurs des tribus ennemies avaient apporté avec elles tout ce qu’elles possédaient.

La conquête de Taïf

La tribu de Thaqif faisait partie des ennemis qu’ils affrontèrent à Hounayn.  Après cette victoire, la ville de Taïf fut assiégée par les musulmans et finit par rendre les armes.  Par la suite, le Prophète nomma un gouverneur à la Mecque et, de son côté, retourna à Médine à la plus grande joie des Ansars qui avaient craint qu’en retrouvant sa ville natale il ne décide de les abandonner et de faire de la Mecque la capitale.

L’expédition de Tabook

Au cours de la neuvième année de la Hijrah, apprenant que des troupes ennemies étaient en train de se rassembler en Syrie, le Prophète appela tous les musulmans à participer avec lui à une importante campagne.  Malgré quelques ennuis de santé, il dirigea son armée jusqu’à la frontière syrienne en plein été.  La grande distance, la chaleur accablante, le prestige de l’ennemi et le fait que c’était la saison des récoltes poussèrent certains musulmans à s’excuser et plusieurs autres à rester chez eux sans même s’excuser.  Ce soir-là, à la frontière, ils campèrent sans eau ni nourriture, s’abritant derrière leurs chameaux. 

Par la suite, ils atteignirent l’oasis de Tabook, puis retournèrent à la Mecque après avoir converti plusieurs tribus.  La campagne prit fin dans le plus grand calme.

Déclaration d’immunité

Bien que la Mecque fût conquise et que la majorité de ses habitants fussent désormais musulmans, les règles officielles du pèlerinage n’avaient pas été modifiées : les païens le faisaient toujours à leur manière et les musulmans, à la leur.  Ce n’est qu’après que la caravane musulmane eût quitté Médine pour aller faire le Hajj, au cours de la neuvième année de la Hijrah et alors que l’islam était devenu prédominant dans le Nord de l’Arabie, que la déclaration d’immunité fut révélée.  Selon cette déclaration, seuls les musulmans auraient droit d’accomplir le pèlerinage après cette année, à l’exception des idolâtres qui avaient conclu un traité encore en vigueur avec les musulmans, qui n’avaient jamais violé aucun de leurs traités et n’avaient jamais soutenu quelque tribu que ce soit contre ceux avec qui ils avaient conclu des traités.  Ceux-là pourraient continuer de jouir des privilèges que leur accordait leur traité jusqu’à son terme.  Cependant, à l’expiration du traité, ils redeviendraient comme tous les autres idolâtres et seraient assujettis aux mêmes lois.  Cette proclamation marqua la fin de l’idolâtrie en Arabie.

 (partie 12 de 12) : Les adieux

Le pèlerinage d’adieu

La fin, cependant, se rapprochait; et, au cours de la dixième année de la Hijrah, il quitta Médine avec 90 000 musulmans venus des quatre coins de l’Arabie pour accomplir le Hajj, c’est-à-dire le pèlerinage.  Ce voyage triomphal d’un homme vieillissant, usé par des années de persécution et de luttes incessantes, fut entouré d’une aura de splendeur, comme si un grand cercle de lumière s’éteignait petit à petit, embrassant le monde des mortels de son éclat apaisant.

Il se rendit à la Mecque pour la dernière fois, en tant que pèlerin, afin d’accomplir ce qu’il est convenu d’appeler le « pèlerinage d’adieu ».  Durant ce pèlerinage, il grimpa sur le mont Arafat et prononça son dernier sermon public devant une foule immense.  Il rappela aux musulmans leurs devoirs religieux, le fait qu’ils auraient à rencontrer leur Seigneur, un jour, et que chacun serait jugé en fonction de ses œuvres.  À la fin de son sermon, il demanda : « Ne vous ai-je pas transmis le message? ».  Et, de cette multitude d’hommes et de femmes qui, quelques mois ou quelques années auparavant avaient été de grands idolâtres, une clameur monta : « Oui!  Par Dieu! ».  Le Prophète dit alors : « Ô Dieu!  Tu es mon Témoin! ».  L’islam était maintenant fermement établi et dans les années à venir, il allait croître comme un grand arbre procurant une ombre bienfaisante à des foules encore plus nombreuses.  Le Prophète avait accompli sa mission et il était maintenant prêt à déposer son fardeau et partir.

Maladie et mort du Prophète

Il retourna à Médine.  Il restait du travail à accomplir.  Mais un jour, il fut saisi d’un douloureux malaise.  Il se rendit à la mosquée enveloppé d’une lourde couverture et certains reconnurent les signes précurseurs de la mort sur son visage.

Il dit :

« S’il y en a, parmi vous, qui par ma faute ont été fouettés injustement, voici mon dos; frappez-le à votre tour.  Et si j’ai porté atteinte à la réputation de qui que ce soit, qu’il me rende la pareille. »

Dans le passé, il avait dit :

 « Qu’ai-je à faire de ce monde?  Moi et ce monde sommes comme un cavalier et un arbre sous lequel il s’abrite.  Ensuite, il repart et laisse l’arbre derrière lui. »

Et maintenant il disait :

 « Il y a un serviteur parmi les serviteurs de Dieu à qui on a offert le choix entre ce monde et ce qui est auprès de Dieu; et le serviteur a choisi ce qui est auprès de Dieu. »

Le 12 du mois de Rabi oul-Awwal de la onzième année de la Hijrah, qui équivaut au 8 juin 632 du calendrier chrétien, il entra dans la mosquée pour la dernière fois.  Abou Bakr était en train de mener la prière et il lui fit signe d’approcher pour prendre sa place.  En observant les gens, le visage du Prophète devint radieux.  « Je n’ai jamais vu le visage du Prophète plus rayonnant qu’à ce moment-là », a raconté son compagnon Anas.  De retour chez son épouse Aisha, il s’allongea près d’elle, sa tête sur ses cuisses.  Il ouvrit ses yeux et elle l’entendit murmurer : « Avec les plus grands compagnons, au Paradis... ».  Ce furent ses dernières paroles.  Quand, plus tard dans la journée, la rumeur de sa mort se répandit, Omar menaça ceux qui la faisaient circuler d’un sévère châtiment, déclarant que c’était un crime que de penser que le Messager de Dieu pouvait mourir.  Il tempêtait ainsi quand Abou Bakr entra dans la mosquée et l’entendit.  Il se rendit alors chez sa fille Aisha, où le Prophète était allongé.  Le voyant mort de ses propres yeux, il l’embrassa sur le front et retourna dans la mosquée.  Des gens écoutaient Omar, qui disait que cette rumeur était un pur mensonge, que le Prophète, qui était leur force vitale, ne pouvait être mort.  Abou Bakr se dirigea vers lui et essaya de le faire taire en lui chuchotant quelques mots.  Puis, voyant qu’Omar ne lui prêtait aucune attention, il s’adressa à tous à voix haute et les gens se tournèrent vers lui.  Il commença par louer Dieu et prononça ces paroles qui sont le symbole de la croyance en islam : « Ô mes frères!  S’il en est qui adoraient Mohammed, qu’ils sachent que Mohammed est mort.  Quant à ceux qui avaient pour habitude d’adorer Dieu, qu’ils sachent que Dieu est vivant et qu’Il ne peut mourir. »  Puis il récita le verset coranique suivant :

« Mohammed n’est qu’un messager.  Avant sa venue, des messagers (comme lui) sont passés.  S’il mourait, donc, ou s’il était tué, feriez-vous marche arrière?  Celui qui se détourne (de l’islam) ne nuit point à Dieu.  Et Dieu récompensera ceux qui sont reconnaissants. » (Coran 3:144)