Les Pensées Précieuses « Sayd Al-Khâtir »

Les Pensées Précieuses
« Sayd Al-Khâtir »

Par l’imam Ibn Al-Jawzî

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La mort t’exhorte...

 

Apprenez, mes frères et vous qui acceptez mes conseils fraternels, que les fautes ont des effets désastreux dont l'amertume dépasse de plusieurs fois le double de la douceur trouvée à les commettre.

Le retributeur est là qui guette. Rien ne Le distrait. Rien ne Lui échappe...

Malheur à celui qui fouetté ne sent pas la douleur, et qui meurtrit de blessures, ne s’en rend pas compte ou à celui qui ballotté dans les châtiments n’en a pas conscience. Par ma vie, le pire des châtiments est de ne pas les sentir!

Comme il m'étonne le tricheur qui donne satisfaction à son âme d'un plaisir et qui donne ensuite satisfaction à Dieu d'une bonne action, en disant :

« une bonne action pour une mauvaise! »

Malheureux! Penses-tu à ta bourse que tu vides?

À ta marchandise que tu détruits?

Au visage de ta réputation que tu blesses?

Parfois une blessure peut être mortelle, un faux pas peut conduire au trépas. Parfois le négligent ne peut se racheter!

Malheureux! Eveille-toi!

Qu’attends-tu d'une conversion précipitée ?

Qu’espères-tu d’un repentir tardif ?

Regarde ton corps de plus en plus débile! Que peux-tu espérer d'autre, après le départ de ta famille, de tes enfants et de tes proches, que de les rejoindre?

Supposes que ce que tu espérais de ce monde, tu l’ais obtenu. Et puis quoi?

Ce qui est momentané te distrait un moment! Mais ensuite, la dernière gorgée de plaisir t’étouffera. Ou bien, c’est toi qui abandonneras.

Ah! Cette gorgée est si amère qu’en l'avalant tu souhaiteras n'avoir jamais vu ce que tu aimes!

Ah! Malheur à celui qui a l'esprit fermé à la réflexion!

Malheur à celui que l'on empêche d'aller boire alors qu'il voit la fontaine!

N'y a-t-il pas dans ces tombes un avertissement?

Et dans la marche du temps un enseignement?

Où est celui qui a possédé, qui a réalisé le souhait qu'il avait formulé?

Appelle les donc dans leur cercle! Arrière! Ils sont sourds à qui les appelle!

Ah! Si la mort n'était pas déjà en eux!

Un tout petit instant seulement...et puis...les tombes.

A l'œuvre, Ô toi qui n'as pas d'hier, toi dont demain les restes ne seront que poussières. Avec quel visage rencontreras-tu ton Seigneur?

ce que tu tires de ta passion vaut il un seul mot du reproche que tu vas encourir?

Par Dieu! Il arrive parfois qu'âpres les reproches, il reste au fond du cœur une colère si grande que la Miséricorde ne peut l'arracher!

Et que faire si à la suite de la réprimande devient le châtiment? (...)

L’homme, qui ne sait quand la mort va le surprendre, doit être prêt et éviter de se laisser égarer par la jeunesse et la santé, car les hommes meurent plus souvent jeune qu'âgés, rares sont ceux qui atteignent la vieillesse.

On a récité ce vers :

Un seul est conserve qui égare les autres

En fait oublier ceux qui meurent en pleine jeunesse.

L'optimisme est une illusion. Il n'y a pas de mal plus grave. En effet, sans lui on ne chercherait pas à gagner du temps .Ainsi, on se livre tout de suite aux mauvaises actions et l'on remet son repentir à plus tard a cause de l'optimisme!

Si tu ne peux être pessimiste, agis comme si tu l étais .Ne te couche pas sans avoir réfléchi à la journée que tu viens de passer. Si tu y découvres une négligence efface-la par le repentir, ou une déchirure raccommode la en demandant pardon à Dieu.

Et lorsque tu te lèves le matin, pense à la nuit que tu viens de passer. Prends garde de rien remettre au lendemain, Demain est un des soldats d Ibliss les plus dangereux!(...)

Hâte-toi! Hâte-toi de te purifier avant que le peu que tu as encore à vivre ne soit replié avec le reste.

Combien d'ailes criminelles se sont empêtrés dans le piège de la passion et combien d'hommes ivres sont tombés dans le puits de la perdition.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


La sagesse ou le suivie des passions.

 

Quand tu vois ton compagnon se mettre en colère et l'entends dire des choses déraisonnables, n'y attache aucune importance, ne lui en fais pas reproche !

Il est dans l'état d'un homme ivre, il est inconscient. Supporte plutôt son emportement avec patience, ne cherche pas d'aide contre lui ; Le démon l'a vaincu, la nature s'est déchaînée et la raison s'est retirée.

Et si tu lui fais des reproches ou que tu lui répondes sur le même ton, tu seras comme un homme en possession de sa raison qui fait front devant celui que le démon possède, ou comme un homme qui a toute sa conscience et qui en réprimande un autre tombé en défaillance. C'est toi qui commets la faute !

Considère-le plutôt avec pitié, regarde comment le destin se joue de lui, assiste en spectateur au mouvement de la nature en lui et sache bien que, lorsqu'il retrouvera sa lucidité, il se repentira de ce qui est arrivé et saura reconnaître le mérite de ta patience.

Le moins que tu puisses faire pour l'exorciser est de l'abandonner à ce qu'il fait dans sa colère jusqu'à ce qu'il se reprenne.

C'est là une attitude que doit observer l'enfant devant la colère de son père, l'épouse devant celle de son mari. Lui laisser trouver soulagement dans ce qu'il dit, ne pas en faire cas, il se remettra, repentant et demandera qu'on l'excuse.

Mais si l'on se dresse contre ce qu'il dit et ce qu'il fait, l'hostilité deviendra réelle et quand il retrouvera ses esprits il réclamera compensation pour l'injure qui lui aura faite pendant son ivresse.

 

 

 

 

 

 

 

 

La profusion du mal

 

De l’œil de ma pensée, j’ai médité sur la terre et ses habitants, et j’ai pu voir que les régions désertes y sont plus nombreuses que les régions habitées.

Puis, j’ai observé les contrées habitées et j’ai constaté que les mécréants en dominaient la plus grande partie, et que les adeptes de l’islam étaient moins nombreux sur terre en comparaison des mécréants.

Puis, j’ai médité sur les musulmans, et j’ai constaté que les profits mondains avaient distrait la plupart d’entre eux de Celui qui pourvoit à la subsistance et les avait détournés de la science qui indique Son existence.

Le gouverneur est occupé par l’exercice du pouvoir et les plaisirs qui se présentent à lui : l’eau de ses désirs coule sans que l’on puisse l’endiguer. Personne n’ose lui adresser d’exhortation, mais au contraire on le couvre de compliments qui renforcent ses passions !

C’est pourtant en leur opposant leurs contraires qu’on lutte contre les maladies. ‘Umar Ibn Al-Muhâjir rapporte que ‘Umar Ibn ‘Abd Al-‘Azîz lui a dit : « Lorsque tu me verras m’écarter de la vérité, attrape mes vêtements, secoue-moi et dis : qu’as-tu ‘Umar ? » ‘Umar Ibn Al-Khattâb a dit : « Qu’Allah fasse miséricorde à celui qui nous révèle nos défauts. » Et la personne qui a le plus besoin de conseils et d’exhortations est le gouverneur.

Quant à ses soldats, la plupart d’entre eux baignent dans l’ivresse des passions et la parure de ce bas monde, à quoi s’ajoutent la bêtise et l’absence de science. Aucune faute ne les fait souffrir et ils ne s’inquiètent pas de porter de la soie ou de boire de l’alcool, au point que certains ont pu dire : « Quoi ? Un soldat porterait du coton ? » De plus, ils prennent tout à l’envers, car l’injustice est pour eux une seconde nature !

Les bédouins sont, eux, plongés dans l’ignorance, de même les citadins. Combien ils ne cessent de vivre dans les impuretés et de négliger l’importance des prières !

La femme chez eux, peut même parfois, les accomplir assise !

Puis j’ai observé les commerçants et j’ai constaté qu’ils sont dominés par la convoitise, au point de ne considérer que les différents moyens d’obtenir des gains.

L’usure s’est répandue dans leurs transactions et aucun d’eux ne cherche à savoir d’où lui viennent ces biens matériels !

Concernant  la Zakat, ils sont négligents et ne sont pas gênés de la délaisser, sauf ceux qu’Allah préserve.

Puis, j’ai observé ceux qui perçoivent une pension, et j’ai constaté que la supercherie règne dans leurs transactions de même que la fraude et la volonté de léser autrui.

Ils sont également plongés dans l’ignorance.

J’ai constaté que la plupart de ceux qui ont un enfant lui confie une partie de ces choses afin de rechercher plus de gains, avant même que cet enfant  ne connaisse ses devoirs [religieux] et ne reçoive une éducation.

Puis, j’ai observé les femmes, et j’ai constaté qu’elles ont peu de religion et beaucoup d’ignorance.

Elles n’ont aucune connaissance sur l’au-delà, sauf celles qu’Allah préserve.

Je me suis alors dit :

Comme c’est étonnant !

Qui reste-t-il donc pour adorer Allah et Le connaître?

J’ai observé et j’ai vu les savants, les étudiants, les dévots et les ascètes.

J’ai médité sur la condition des dévots et ascètes, et j’ai constaté que la plupart d’entre eux voue des adorations sans science, qu’il leur plaît d’être révérés, de se voir embrasser la main et d’avoir de nombreux disciples, si bien que, lorsque l’un d’eux a besoin d’acheter quelque chose au marché, il s’en abstient pour que sa réputation n’en soit pas brisée !

Leur rang leur tient tellement à cœur qu’ils ne visitent pas le malade, n’assistent à aucunes funérailles, sauf lorsqu’il s’agit de quelqu’un d’important pour eux, ils ne se rendent pas visite, et plus encore, ils évitent même de se rencontrer : leur respectabilité est devenue telle une idole qu’ils adorent sans le savoir !

Certains se hasardent-ils à donner des avis religieux alors qu’ils critiquent les savants pour leur convoitise en ce bas monde, sans savoir que ce qui est blâmable en cette vie est la condition en laquelle ils se trouvent, et non le fait de consommer ce qui est permis !

Puis j’ai médité sur la condition des savants et étudiants, et j’ai constaté que les étudiants ne montrent que peu de signe d’excellence, car le signe de l’excellence consiste à rechercher la science et la mettre en pratique, alors que la plupart d’entre eux apprennent de la science ce qui sera pour eux un filet pour amasser des biens, soit pour faire main basse sur un poste de juge d’un lieu ou d’une région, soit ce qui est nécessaire pour se distinguer de ses semblables, puis se contenter de cela.

Puis, j’ai médité sur la condition des savants, et j’ai constaté que la plupart d’entre eux sont manipulés et utilisés par les passions. Ils vont vers ce dont la science les écarte et se livrent à ce qu’elle interdit.

Ils ne trouvent quasiment aucun goût à la relation avec Allah, et leur seule préoccupation est de parler, voilà tout.

Mais Allah ne videra pas la terre  de toute personne qui exposera Ses preuves, réunira la foi et les œuvres, connaîtra les droits d’Allah et Le craindra.

Cet homme sera le pôle de ce monde, et lorsqu’il mourra, Allah le remplacera par un autre semblable, et peut-être ne mourra-t-il pas avant d’avoir vu celui qui sera apte à le remplacer en toutes choses.

La terre ne sera jamais totalement vide de ce genre d’homme qui remplit le rôle du prophète dans la Communauté .

Et celui que je décris ici, appliquera les fondements, sera attentif aux limites imposées, même s’il a peu de science ou que ses actes sont peu nombreux.

Quant aux hommes parfaits dans tous les domaines, ils sont rares : il n’y en a qu’un seul pour une longue période.

J’ai analysé avec soin la condition de tous les pieux prédécesseurs, car je voulais en trouver un qui réunissait la science, au point d’atteindre le rang de l’Ijtihâd, et la mise en pratique, au point d’être un exemple pour les dévots.

Je n’en ai pas trouvé plus de trois. Le premier est Al-Hasan Al-Basrî, le deuxième Sufyân At-Thawrî et le troisième Ahmad Ibn Hanbal.

J’ai consacré un livre aux récits rapporté de chacun d’eux, et je ne désapprouve pas celui qui y ajoute Sa’îd Ibn Al-Musayyib .

Si, parmi les pieux prédécesseurs on trouve de grands hommes, la plupart étaient dominée par une chose au détriment d’une autre : la science chez l’un, les œuvres chez l’autre.

Mais ceux que j’ai cités possédaient une science vaste et une grande part d’œuvre et de connaissance.

Il ne faut pas désespérer de l’existence d’un homme qui suivra leurs traces, même s’ils gardent le mérite d’avoir été les premiers.

Allah a révélé à Al-Khadir des choses qu’il avait cachées à Mûsâ, et les trésors d’Allah débordent et Ses dons ne se limitent pas à un seul individu.

On m’a raconté que Ibn ‘Aqîl  disait de lui-même : « J’ai navigué dans une barque qui a fait naufrage. »

Mais c’est une erreur. Pourquoi cela ?

Que de gens imbus d’eux-mêmes découvrent, à travers quelqu’un, un défaut qui les amène à se mépriser pour cela !

Et combien de gens apparus plus tard ont devancé d’autres apparus plus tôt ! Ainsi, on a dit :

Les nuits et les jours sont en gestation

Allah, seul, sait ce qu’ils vont mettre au monde

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


La sagesse du Créateur

 

J’ai, un jour, réfléchi à ce qui est imposé à l’homme (At-Taklîf) et j’ai constaté que cela comprenait des choses faciles et d’autres plus difficiles.

Ce qui est facile sont les actes des membres, si ce n’est que certains sont plus difficiles que d’autres. Ainsi, les ablutions et la prière sont plus aisées que le jeûne, qui lui-même peut être plus aisé, pour certains, que la Zakat.

Ce qui est difficile est aussi de différents degrés.

Parmi les choses ardues figure la réflexion et le raisonnement conduisant, tous deux, à la connaissance du Créateur.

Cela est difficile pour celui qui est dominé par ce qui est de l’ordre des sens, mais facile pour les hommes doués de raison.

De même, il est difficile de dominer ses passions, de dompter son âme et d’empêcher les appétits naturels de faire ce que bon leur semble.

Mais cela est facilité à l’homme raisonnable qui réfléchit sur sa rétribution et espère une issue favorable, même s’il souffre dans l’immédiat.

Mais la plus pénible et la plus étonnante des impositions religieuses est que la raison admet la sagesse du Créateur, mais ensuite nous Le voyons faire endurer à l’homme qui cherche la science et Lui voue adoration une pauvreté qui le mord cruellement et l’oblige à s’humilier devant l’ignorant pour trouver de quoi vivre.

Alors que dans le même temps, Il accorde richesse au pervers malgré son ignorance, si bien qu’il est submergé par les biens de ce bas monde.

Nous Le voyons encore faire naître les corps et leur donner perfection, mais II détruit ensuite l’édifice de la jeunesse à ses débuts ou en plein épanouissement et, d’un coup, l’être se retrouve brisé.

Nous Le voyons aussi causer de telles souffrances aux enfants qu’ils attirent la pitié de tous.

Puis on dit à l’homme : Garde-toi bien de douter qu’il est le plus miséricordieux des miséricordieux !

Puis l’homme entend parler de l’envoi de Mûsâ auprès de Pharaon et on lui dit : Sois convaincu que c’est Allah qui a égaré Pharaon. Sache également que Âdam devait nécessairement manger le fruit de l’arbre, alors qu’Allah l’a blâmé par Sa Parole :

« Âdam a désobéi à son Seigneur »
[Sourate Ta-Ha, v.121]

Devant ces choses, certains sont si perplexes qu’ils finissent par tomber dans la mécréance et le reniement.

Mais, s’ils recherchaient le secret de ces choses, ils comprendraient que les accepter avec soumission est justement l’imposition religieuse (At-Taklîf) qui pèse sur la raison, afin qu’elle s’y soumette.

C’est là un principe, qui, s’il est bien compris, conduit à la sujétion et au salut.

Nous demandons à Allah de nous dévoiler les confusions qui troublent celui qui s’égare.

Il est certes proche et répond aux invocations.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Les faux prophètes

 

La vérité n’est pas semblable au faux qui ne trompe que ceux qui ne comprennent pas.

Ceci concerne également ceux qui prétendent la prophétie ou des miracles.

Pour ce qui est de la prophétie, nombreux sont ceux qui l’ont prétendue : leur ignominie a été dévoilée et leur mensonge exposé ; par leur bassesse, leur libertinage, leurs bêtises dans leurs paroles et actes, et ce jusqu’à être dévoilés.

Parmi eux figure Al-Aswad Al-‘Ansî qui a prétendu la prophétie et s’est surnommé « L’homme voilé » car il disait : « Vient à moi celui qui est voilé ».

Il était au départ un devin qui s’adonnait à la sorcellerie et accomplissait des choses étonnantes. Il apparut à la fin de la vie du Prophète (salallahu ‘alayhi wasalam), il correspondit avec les tribus de Madh-hij et Najrân qui envoyèrent ‘Amr Ibn Hazm et Khâlid Ibn Sa’îd, deux Compagnons du Messager d’Allah (salallahu ‘alayhi wasalam).

Il combattit et tua Shahr Ibn Bâdhân dont il épousa la fille qui aida ensuite à le tuer. Il mourut du vivant du Messager d’Allah (salallahu ‘alayhi wasalam), et il apparut aux gens sensés qu’il s’adonnait à la sorcellerie.

Figure également parmi eux Musaylimah qui prétendit la prophétie et ne nomma « Le Miséricordieux de Al-Yamâmah » car il disait : « Celui qui vient à moi est miséricordieux »
Il crut au Messager d’Allah (salallahu ‘alayhi wasalam) puis prétendit qu’on l’avait associé à lui !

On peut s’étonner qu’il ait cru au Messager d’Allah (salallahu ‘alayhi wasalam) puis dise : « Il ment ! » Il apporta un livre qui fit rire les gens, comme sa parole : « Ô toi la grenouille fille de deux grenouilles !

Trie ce qu’elles trient, le haut de ton corps est dans l’eau et le bas dans la vase !

Comme est étonnant cet agneau noir qui tète un lait blanc !

Et il fut démasqué par cette prose ridicule.

Puis il passa sa main sur la tête d’un enfant, et ses cheveux tombèrent !

Il cracha dans un puits, et il se tarit !

Il épousa Sajâh  qui prétendit elle aussi la prophétie, et on lui dit : « Elle doit percevoir une dot. » et il répondit : « Sa dot consiste en ce que je vous dispense de la prière de l’aube et de la nuit ! » Sajâh prétendit la prophétie après la mort du Messager d’Allah (salallahu ‘alayhi wasalam), et un groupe de gens la crut, et elle leur dit : « Préparez les montures, tenez-vous prêts au pillage, passez sur la tribu de Ar-Ribâb, car rien ne vous en empêche, et combattez-les ! » Puis elle se dirigea vers Al-Yamâmah, Musaylimah l’honora, lui envoya des missives et des présents ; elle vint à lui et dit : « Récite-moi ce qui te vient de Jibrîl ! » Il dit : « Ô vous les femmes ! Vous avez été créées par groupes, on fait de vous, pour nous, des épouses que nous pénétrons. » Elle dit : « Tu dis vrai, tu es un prophète. » Il lui dit : « Viens dans ma chambre, un lit t’y est préparé : allongés si tu veux, à quatre pattes, dans deux ou toutes les positions. » Elle dit : « Dans toutes les positions, cela est meilleure pour l’union. » Elle fut alors démasquée aux yeux des gens sensés qui l’accompagnaient, et l’un d’eux ‘Utârid Ibn Hâjib  dit :

Notre prophétesse s’est démasquée, alors qu’on tournait autour d’elle

Et le prophète des gens est devenu un homme

Qu’Allah, le Seigneur de tous les hommes maudisse

Sajâh et tous ceux qui, par le mensonge, nous ont trompé

Je veux dire Musaylimah le menteur

Qu’Allah ne l’abreuve pas, où qu’il soit

Puis elle est revenue de son fourvoiement et a embrassé l’islam, alors que les turpitudes de Musaylimah n’ont cessé d’apparaître jusqu’à ce qu’il soit tué.

Parmi eux, Tulayhah Ibn Khuwaylid  qui apparut après Musaylimah et qui fut suivi par des gens du peuple. Il s’installa à Samîrâ’ et se nomma « Dhû-n-Nûn » car il disait : « Celui qui vient à moi est nommé Dhû-n-Nûn. » Parmi ce qu’il disait : « Allah n’a que faire du picorement de vos visages et de l’élévation de vos postérieurs, alors mentionnez Allah décemment, debout. » Et dans son livre, il disait : « Par le pigeon, la palombe et la pie-grièche qui jeûne, notre royaume atteindra l’Irak et le Shâm ! » Il fut suivi par ‘Utaybah Ibn Hisn, et il fut combattu par Khâlid Ibn Al-Walîd. ‘Utaybah alla trouver Tulayhah et lui dit : « Malheur à toi ! L’ange est-il venu à toi ? – Non, alors repars et combats. » Il repartit et combattu puis revint et dit : « Est-il venu ? – Non. » Donc il repartit et combattu, puis revint et dit : « Est-il venu ? – Oui. – Et que t’a-t-il dit ? – Il a dit : tu as une armée que tu n’oublieras pas. » ‘Utaybah cria alors : « Par Allah, c’est un menteur ! » Les gens se dispersèrent donc défaits, et Tulayhah fuit vers le Shâm, puis embrassa l’islam et fut tué à Nahâwand.

Al-Wâqidî mentionna qu’un homme de la tribu de Yarbû’ appelé Jundab Ibn Kulthûm et surnommé « le collier » prétendit la prophétie à l’époque du Messager d’Allah (salallahu ‘alayhi wasalam) et il en donna pour preuve le fait qu’il tressait les clous de fer et d’argile !

Ceci car il les enduisait d’huile de sureau et les plongeait dans le feu.

Un homme du nom de Kahmash Al-Kilâbî prétendit également la prophétie et le fait qu’Allah lui ait révélé : « Ô toi l’affamé ! Bois du lait et tu seras repu, et ne frappe pas ce qui est inutile car cela ne sert à rien ! » Il prétendit que la preuve de sa prophétie était que si on le mettait parmi les bêtes féroces, elles ne le mangeaient pas, et son stratagème pour cela est qu’il s’enduisait le corps d’huile de laurier, d’un hérisson brûlé, d’écume de mer, de coquillages brûlés et réduits en poudre, de myrrhe et d’eau croupie, et ainsi lorsque les bêtes sentaient ces odeurs, elles fuyaient.

Un homme de Tâ’if nommé Abû Ja’wânah Al-‘Âmirî prétendit également la prophétie et en donna pour preuve qu’il pouvait jeter du feu sur un coton sans qu’il ne s’enflamme ; ceci parce qu’il l’enduisait d’une huile connue.

Parmi eux, Hudhayl Ibn Ya’fûr de la tribu de Sa’d Ibn Zahîr, dont Al-Asma’î rapporte qu’il tenta d’égaler sourate Al-Ikhlâs en disant : « Dis Il est Allah unique, Dieu du lion, assis en observateur, et personne ne Lui échappe. » Parmi eux également, Hudhayl Ibn Wâsi’ qui prétendait être un enfant de An-Nâbighah Ad-Dhaybânî, et tenta d’égaler sourate Al-Kawthar. Un homme lui dit : « Que dis-tu ? » Il dit : « Nous t’avons accordé les joyaux, alors proclame-le publiquement, et seul le dépravé te reniera. » As-Sannûrî le fit tuer et crucifier sur un pilier. Un homme passa devant lui et dit : « Nous t’avons accordé le pilier, alors pour ton Seigneur prie assis, sans inclinaison ni prosternation, et tu ne recommenceras pas. » Parmi ceux qui ont prétendu recevoir la prophétie figure Al-Mukhtâr Ibn Abî ‘Ubayd  qui était confus dans ses allégations et tua de nombreuses personnes. Il prétendait soutenir Al-Husayn, puis il fut tué. Parmi eux, figure également Handhalah Ibn Yazîd Al-Kûfî qui prétendait que la preuve de sa prophétie est qu’il pouvait faire entrer un œuf dans un flacon et l’en ressortir intact !

Ceci car il trempait l’œuf dans le vinaigre, et ainsi la coquille ramollissait, puis il versait de l’eau dans un flacon, y introduisait l’œuf qui, au contact de l’eau, redevenait solide.

Avant notre Prophète (salallahu ‘alayhi wasalam), des gens ont prétendu la prophétie comme Zoroastre et Mani , mais ils furent démasqués, et tous ceux qui prétendirent la prophétie furent abandonnés. Vinrent ensuite Al-Qarâmitah  avec un incroyable stratagème, et je les ai tous mentionnés, ainsi que leurs ruses, dans mon livre d’histoire intitulé « Al-Muntadhim », et aucun d’eux ne s’y est risqué sans être démasqué.


La preuve de la véracité de notre Prophète (salallahu ‘alayhi wasalam) est plus éclatante que le soleil : il est apparu pauvre, et les gens étaient ses ennemis.

On lui a promis le pouvoir et il l’obtint, on l’informa de ce qui allait être et il en fut ainsi, depuis l’époque de la prophétie il fut préservé de l’avidité, de la bassesse, du mensonge, et de l’orgueil, on l’a soutenu par la confiance, la loyauté, l’honnêteté, et la vertu, et ses miracles sont apparus aux gens éloignés et proches.

On lui a révélé le Noble Livre qui a stupéfait les hommes les plus éloquents qui n’ont pu apporter un seul verset semblable, et encore moins une sourate. Ceux qui essayèrent furent couverts de honte. Il a informé qu’on ne pourrait lui donner un équivalent, et il en fut ainsi, comme cela apparaît dans la Parole d’Allah :

« Essayez de produire une sourate semblable à ceci (le Coran) et appelez vos témoins (les idoles) [que vous adorez] en dehors d’Allah, si vous êtes véridiques. Si vous n’y parvenez pas et, [à coup sûr], vous n’y parviendrez jamais, parez-vous contre un feu dont le combustible sera les hommes et les pierres, réservé aux mécréants. »
[Al-Baqarah, v.23-24] ;

« Souhaitez donc la mort si vous êtes véridiques ! Or, ils ne la souhaiteront jamais, sachant tout le mal qu’ils ont fait. Et Allah connaît bien les injustes. »
[Al-Baqarah, v.94-95]


Personne ne l’a souhaitée, car si l’un d’eux l’avait souhaitée, sa prétention aurait été caduque. Il a également dit la veille de la bataille de Badr : « Demain, untel tombera ici, et il ne saura l’éviter. » [Muslim (1779)] Il dit également : « Lorsque Chosroes mourra, il n’y en aura pas d’autre après lui, et lorsque César mourra, il n’y en aura pas d’autre après lui. » [Al-Bukhârî (3121) et Muslim (2919)] et il n’y eut après eux personne d’un haut rang qui prit le pouvoir ou s’établisse. Parmi les plus grandes preuves de sa véracité est qu’il n’a pas désiré ce bas monde : il dormait affamé, il préférait donner, il portait de la laine, il se levait la nuit…

On ne cherche la réputation que pour assouvir ses désirs, et en refusant cela il a indiqué que c’est l’au-delà qui est vérité.

Sa religion n’a cessé de s’élever jusqu’à couvrir le monde, et même si la mécréance existe en certains lieux de la terre, elle est tout de même avilie.

L’ont suivi dans sa religion des savants qui, si leur paroles avaient été entendues par les prophètes anciens, ils auraient été stupéfaits de la beauté avec laquelle elles sont exprimées  ; mais aussi des ascètes qui, s’ils avaient été vus par les moines, ils auraient été stupéfaits par la sincérité de leur ascétisme ; ou encore des hommes à l’intelligence inégalée parmi les anciens.


Le peuple de Mûsâ n’a-t-il pas adoré une vache, ne se sont-ils pas abstenus de sacrifier une vache, n’ont-ils pas traversé la mer pour ensuite dire : « Désigne-nous une divinité » ? Le peuple de ‘Îsâ n’a-t-il pas fait des provisions de la Table [descendue du ciel] alors qu’on le leur avait interdit ?

Ceux qui ont transgressé le Sabbat ne l’ont-ils pas fait pour des poissons ?

Alors que, louange à Allah, notre Communauté est préservée de ces choses, si ce n’est que certains penchent vers des désirs interdits, mais cela compte parmi les subdivisions et non les fondements ; et lorsqu’on le leur rappelle, ils pleurent et regrettent leur négligence . Nous rendons grâce à Allah pour cette religion et le fait d’être de la Communauté de ce Prophète (salallahu ‘alayhi wasalam).

Un groupe de ceux qui feignent l’ascétisme ont penché vers ce bas monde et la recherche des places de premier rang, les passions les ont trompés, et ils ont donné l’illusion de posséder ce qui ressemble à des miracles, comme Al-Hallâj, Ibn As-Shâsh, et d’autres dont j’ai dévoilé la condition dans Talbîs Iblîs. Ils n’ont fait cela que pour assouvir leurs désirs.

Allah ne cesse de faire grandir dans cette religion des jurisconsultes qui exposent ce que les gens bornés ont caché, de même que des savants du hadith qui dévoilent ce qu’ont répandu les menteurs ; par préservation de la religion et afin d’en repousser toute ambiguïté.

Ainsi, le jurisconsulte et le savant du hadith ne cessent d’exposer les vices de tout fraudeur qui invente un hadith ou affiche faussement l’ascétisme et la dévotion.

Ainsi, leurs allégations n’ont aucun impact, sauf sur l’ignorant qui est éloigné de la science et de la pratique.

« Afin qu’Il fasse triompher la vérité et anéantisse le faux, en dépit de la répulsion qu’en ont les criminels. »
[Al-Anfâl, v.8]

 

 

 

 

 

 

 

Cacher ses sentiments

 

Quiconque veut choisir un bien-aimé constate que l’être aimé est de deux sortes : une femme chez laquelle on recherche la beauté physique et un ami chez lequel on recherche la beauté morale. Si l’apparence d’une femme te plaît, examine un court moment ses qualités morales, avant que le cœur ne s’y attache fermement.

Si tu trouves qu’elle est comme tu le souhaites — et le fondement de tout cela est la religion ainsi qu’il a été dit : « Mets la main sur celle qui a la religion » — penche vers elle, fais-lui des enfants, mais sois modéré dans ton penchant, car c’est une erreur que de montrer son amour à son bien-aimé.

Si tu le fais, elle se montrera excessive envers toi et te causera des torts en t’incriminant, en s’écartant de toi, en t’humiliant et en te demandant de nombreuses dépenses, même si elle t’aime, car c’est ce que produit l’amour de l’humiliation et de la domination de l’autre.

Autre point étonnant qui est que tu peux te conduire en fonction de la situation présente et juger par l’amour parfait, mais cela ne durera pas, et tu deviendras et resteras dominé, et il te sera difficile de t’en défaire !

Elle peut prendre le dessus sur toi par sa connaissance d’un de tes secrets, ou en prenant une grande part de tes biens.

Parmi les meilleures choses qu’on m’ait rapportées à ce sujet est qu’une servante vouait à un calife un amour profond, mais jamais elle ne le lui avait montré.

On l’interrogea à ce sujet et elle dit : « Si je lui avais révélé ce qu’il y a en moi, il m’aurait maltraitée et j’en serais morte !

 Le poète a dit :

Ne dévoile pas ton amour à l’être aimé

Sinon il t’en ferait voir de toutes sortes

Un jour, j’ai dévoilé mon amour à l’être aimé

Et j’ai eu ma part de souffrances quand il m’a abandonné


De la même manière, il convient de dissimuler une part d’amour pour l’enfant, sinon il te dominerait, gaspillerait tes biens, exagèrerait, et refuserait d’apprendre et de s’éduquer.

De même, si tu choisis un ami et que tu lui confies des choses, ne lui dis pas tout ce que tu as en toi, mais prends soin de lui comme tu le ferais pour un arbre qui, si ses racines sont bonnes, donne de beaux fruits lorsqu’on en prend soin.

Mais méfie-toi tout de même de lui, car les choses peuvent changer, et on a dit

Méfie-toi de ton ennemi une fois

Et méfie-toi de ton ami mille fois

Un ami peut se retourner contre toi

Et savoir alors parfaitement te nuire


Et si tu détestes quelqu’un parce qu’il te nuit, ne l’affiche pas car tu l’amènerais à se méfier de toi et à t’affronter, et ainsi il te combattra plus encore et rusera contre toi.

Si tu le peux, tu dois lui montrer une bonne attitude, et être bon envers lui autant que possible, jusqu’à ce que son inimitié se brise par pudeur devant le fait de te vouer de la haine.

Mais si tu n’en es pas capable, éloigne-toi de lui de manière convenable qui ne montre aucun préjudice.

Si tu entends de lui des propos indécents, réponds-y par de belles paroles, ce qui sera plus à même de le faire cesser.

Il en est de même pour tout ce qu’on craint de dévoiler, tu ne dois pas en parler, car tu peux prononcer des mots inconvenants à l’égard du gouverneur, qui peuvent lui être rapportés et être la cause de ta perte.

Ou tu peux avoir des mots à l’encontre d’un ami, et que cela soit la cause de son inimitié.

Tu peux également devenir l’otage de celui qui les a entendus, et craindre qu’il ne les dévoile. La prudence consiste à dissimuler l’amour et la haine.

Il convient également de dissimuler ton âge, car si tu es âgé on dira que tu es sénile, et si tu es jeune on te méprisera.

Il en est de même pour la valeur de tes biens, car s’ils sont importants on dira que tu es avare dans tes dépenses, et s’ils sont minimes on cherchera à se débarrasser de toi.

Aussi, en ce qui concerne la doctrine, car si tu la dévoiles, tu n’es pas à l’abri qu’un opposant ne l’entende et décrète que tu es mécréant. Muhammad Ibn cAbd Al-Bâqî Al-Bazzâr a dit :

Retiens ta langue, qu’elle soit muette sur trois choses

Ton âge, tes biens autant que possible, et ton opinion

Car pour ces trois choses tu seras éprouvé par trois personnes

Le faussaire, l’idiot et le menteur

 

Entre la science et l’acte

 

J’ai dit, un jour, au cours d’une de mes assises : « Si les montagnes avaient dû supporter ce que j’ai supporté, elles en auraient été incapables. ».

En revenant chez moi, mon âme me dit :

« Comment as-tu pu dire cela? Les gens vont peut être s’imaginer que tu souffres, alors que tu es préservé en ta personne et ta famille. As-tu supporté autre chose que l’imposition religieuse qui pèse sur toutes les créatures ? Alors, pourquoi cette plainte? »

Je lui répondis : Comme je peinais sous le poids de ce que j’avais à supporter, j’ai prononcé ces mots, non pour me plaindre, mais pour me soulager.

Et nombre de Compagnons et de leurs successeurs ont dit avant moi : « Ah ! Si seulement nous n’avions pas été créés ! » Ceci, en raison de la peine à supporter certaines choses.

Ensuite, celui qui se figure que les impositions religieuses (At-Takâlîf) sont faciles ne les connaît pas.

Comment peut-on s’imaginer qu’elles consistent à laver les membres avec une livre d’eau ou se rendre en un lieu de prière pour accomplir deux unités de prière ?

Allons donc ! Ce sont là les plus simples des impositions religieuses.

La plus grande imposition religieuse est justement ce devant quoi les montagnes sont impuissantes  !

Parmi ceci est que je vois le destin s’abattre d’une manière qui déroute ma raison et que je la force pourtant à se soumettre à la prédestination, et cela compte parmi les plus difficiles des impositions religieuses ; surtout ce dont la raison ne comprend pas le sens, comme la souffrance des enfants et le sacrifice des animaux.

Tout en croyant que Celui qui le prédestine et l’ordonne est le plus miséricordieux des miséricordieux. Voilà ce en quoi la raison se perd, et son imposition est, ici, de se soumettre et de délaisser toute objection.

Alors comment comparer l’imposition religieuse qui pèse sur le corps et celle qui pèse sur la raison ?

Si j’avais commenté cela, c’eut été long, toutefois, je vais justifier ce que j’ai dit.

C’est de moi que je vais parler et l’état des autres ne m’y oblige pas : je suis un homme à qui, dès l’enfance, on a fait aimé la science et qui s’y est entièrement consacré, et pas uniquement à une des branches de la science, mais toutes.

Mon ambition ne se limite pas, dans une branche, à une partie de celle-ci, mais je cherche à l’examiner en profondeur.

Cependant le temps ne le permet pas, la vie est trop courte, l’ambition trop grande, l’impuissance apparaît vite et certains désirs insatisfaits se transforment en déceptions !

Ensuite la science m’a amené à la connaissance de l’Être adoré et m’a incité à L’adorer.

Les preuves de Son existence m’ont appelé à Lui, je me suis tenu devant Lui, je L’ai vu tel qu’Il s’est décrit, et je L’ai reconnu à Ses attributs.

Mon regard a contemplé de Ses grâces et cela m’a amené à rechercher éperdument Son amour et m’a poussé à me libérer de tout pour me consacrer à Son adoration.

Une flamme s’empare de moi chaque fois que je Le mentionne, et mon isolement pour L’adorer est, pour moi, la plus douce des choses.

Chaque fois que je veux cesser mes occupations pour m’isoler, la science me crie : « Où vas-tu ? » Te détournes-tu de moi qui suis celle qui te L’a fait connaître? » Je lui réponds : Tu n’es qu’un guide, et quand on est parvenu à l’objectif, on peut se passer de guide ! Elle me dit : « Allons donc ! Plus ta science augmente, plus la connaissance que tu as de ton Être aimé grandit, et mieux tu comprends comment t’en rapprocher. La preuve en est que tu sauras, demain, que tu es aujourd’hui dans l’imperfection. Ne l’as-tu pas entendu dire à Son Prophète (salallahu ‘alayhi wasalam) :

« Et dis : Ô Seigneur, accrois ma science ! »
[Tâ-Ha, v.114]

Ne veux-tu pas te rapprocher de Lui ? Consacre-toi à guider Ses serviteurs vers Lui, c’est la condition des Prophètes, qu’Allah les couvre d’éloges et les salue.

Ne sais-tu pas qu’ils ont préféré l’enseignement aux hommes à l’isolement pour l’adoration, car ils savaient que c’est ce que préfère leur Être aimé ?

Le Messager (salallahu ‘alayhi wasalam) n’a-t-il pas dit à cAlî : « Qu’Allah guide, à travers toi, un seul homme est meilleur pour toi que de posséder des chamelles rousses. » [Al-Bukhârî (3701) et Muslim (2406)]

Lorsque j’eus compris la véracité de ces paroles, j’ai persévéré ainsi : chaque fois que je m’appliquais à rassembler les hommes, mon esprit se dispersait .

Lorsque je parvenais à leur être utile, moi je faiblissais,  et je demeurais hésitant dans le désarroi, ne sachant sur quel pied m’appuyer.
Lorsque je me suis arrêté, désemparé, la science m’a crié : « Vas donc gagner la subsistance de ta famille, et persévère afin d’avoir un enfant qui mentionne Allah ! » Lorsque je m’y suis attelé, les mamelles du monde s’étaient rétractées au moment de la traite, et j’ai vu la porte de la subsistance fermée devant moi, car l’exercice de la science m’avait empêché d’apprendre une profession.

Lorsque je me suis retourné vers les hommes de ce monde, j’ai vu qu’ils ne vendaient leurs marchandises qu’au prix de la religion de l’acheteur.

Malheur à celui qui se montre hypocrite envers eux ou les trompe pour parvenir à une part de leurs biens !

Pire encore, il peut perdre sa religion sans parvenir à son but !

Quand la lassitude disait : « Sauve-toi », la Législation me criait : « Suffit comme péché d’abandonner ceux qui sont à sa charge. » [Muslim (996)] Et si la détermination me disait : « Isole-toi ! », la Législation me répondait : « Et que feras-tu de ceux qui sont à ta charge ? » Le résultat fut que j’ai diminué ma part des biens de ce monde alors que j’ai été élevé dans ses délices et que j’ai été nourri de son lait, et la délicatesse de mon organisme était plus grande encore que celle qui lui venait de l’habitude.

En changeant de vêtements et en ayant une nourriture plus fruste — car la subsistance ne tolère aucun plaisir — ma nature fuit car l’habitude était rompue. La maladie survint, m’empêcha d’accomplir mes obligations et me fit tomber dans les difficultés.

On sait que le pain frais que l’on mange aussitôt qu’on l’achète est agréable, mais que le manger rassis, pour qui n’y est pas habitué, est une agression contre l’âme.

Je me suis dit : Comment agir ? Que faire ? En me retirant dans la solitude, et en versant des larmes abondantes sur la bassesse de ma condition.

Je me suis dit : Je décris la condition des savants, alors que mon corps est incapable de s’appliquer à la science ; celle des ascètes, alors que mon organisme ne supporte pas l’ascétisme ; celle de ceux qui aiment, alors que la fréquentation des créatures disperse mon esprit, grave en mon âme les formes des choses aimées, et trouble le miroir de mon cœur.

Alors que l’arbre de l’amour demande à être cultivé dans une bonne terre, et à être arrosé de l’eau de la solitude amenée par la roue de la pensée.

Si je choisis de gagner ma vie, je ne peux le faire, et si je me tourne vers les hommes de ce monde, bien que ma nature soit de mépriser la médiocrité et que ma piété m’en empêche, je n’ai le choix que de pencher vers l’une des deux options.

Et puis la fréquentation des hommes est une souffrance pour l’âme à cause de leur haleine.

Je ne pouvais ni réaliser mon repentir, ni atteindre un rang dans la science, les œuvres ou l’amour [d’Allah], et je me retrouvais dans la situation décrite par le poète :

Il l’a jeté dans les flots, enchaîné et lui a dit

Fais attention, fais bien attention à ne pas te mouiller !

J’étais désemparé, je pleurais sur ma vie et, dans les déserts de ma solitude, je criais ce que j’avais entendu d’un homme commun qui semblait décrire ma situation :

Ah! Que je voudrais te cacher ma peine

Comme le captif qui n’a ni corde ni lien

Comment fuir les passions qui m’ont fait perdre tout contrôle ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Plaisirs et désappointements

 

J’ai constaté que l’âme regardait les plaisirs mondains des riches, mais qu’elle oubliait comment ils ont été obtenus et quels maux ils impliquaient.

Et il en est ainsi : Si tu vois un gouverneur et médites sur son bienfait, tu constateras qu’il est mêlé à l’injustice, et même si lui ne le désire pas, elle surviendra de ceux qui sont à son service.

De plus, il vit dans la crainte, il est troublé dans tout ce qu’il fait, craignant qu’un ennemi ne l’empoisonne, inquiet qu’un de ses supérieurs ne le destitue ou que ses semblables rusent contre lui.

La majeure partie de son temps est consacrée au service des gouverneurs qu’il craint, au calcul de leurs richesses, à l’exécution de leurs ordres, lesquels ne sont pas exempts de choses réprouvables.

Et s’il est destitué, cela dépasse largement l’ensemble des plaisirs assouvis et qui sont submergés par la crainte éprouvée pour eux, par eux et à cause d’eux.

Si tu observes le commerçant, tu le vois parcourir les pays, et il ne parvient à ce qu’il possède comme richesses qu’après avoir atteint un âge avancé, alors que le temps des plaisirs est passé.

On rapporte qu’un dignitaire était pauvre dans sa jeunesse, mais qu’en prenant de l’âge il s’est enrichi et possédait une grande fortune.

Il achetait ses esclaves hommes chez les Turcs et ses esclaves femmes chez les Byzantins, et il composa ces vers pour expliquer sa situation :

Je n’espérais pas à vingt ans

Posséder ce que j’eus, passé soixante-dix ans

Des turcs tournent autour de moi comme des gazelles et m’exténuent,

Comme les branches passant sur les dunes

Et des vierges Byzantines superbes

Aussi belles que les houris du Paradis

Me font signes de leurs doigts délicats

Si souples qu’on pourrait en nouer l’extrémité

Elles veulent ranimer un moribond inerte

Mais comment ressusciter un cadavre déjà inhumé

Ils m’ont dit : Tes gémissements nous tiennent éveillés

De quoi te plains-tu donc ? — De mes quatre-vingts ans

C’est ce qui se passe généralement, l’homme ne peut réunir tout ce qu’il aime si ce n’est lorsqu’approche la fin de sa vie.

Et s’il possède tout cela dans sa jeunesse, celle-ci l’empêche de bien le gérer ou d’en jouir parfaitement.

L’homme, dans sa jeunesse, ne sait ce qu’il est que lorsqu’il atteint l’âge adulte, et à ce moment tout ce qui l’importe est de se marier, de toutes les manières.

Lorsqu’il se marie, les enfants arrivent et lui interdisent tout plaisir et, le cœur brisé, il doit gagner de quoi les élever.

Ensuite, lorsqu’il s’y est habitué, pendant cette courte période proche de la trentaine ses cheveux commencent à grisonner, il se détache de son âme car il sait que les femmes s’éloignent de lui, comme l’a dit Ibn Al-Muctazz Billah :

J’ai tourmenté mon âme sur mes vieux jours

Les filles aux reins souples et aux seins ronds m’aimeront-elles un jour ?

Il en est ainsi. Celui qui désire jouir de jolies femmes, s’il les trouve, c’est l’argent nécessaire à la satisfaction de son désir qu’il ne trouve pas !

Et s’il cherche à amasser de l’argent, il perd le temps de la jouissance.

Et lorsqu’il atteint son but, la vieillesse est le souci le plus infâme et la chose la plus haïssable.

Le riche craint également pour son argent, contrôle ses employés et, qu’il le dépense avec prodigalité ou parcimonie, il sera toujours blâmé !

Son fils guette sa mort, sa servante peut ne pas supporter sa personne, et lui s’affaire à préserver son train de vie.

Son temps a passé dans des épreuves entre lesquelles les plaisirs sont allés et venus tellement fugaces qu’il n’y a trouvé aucun plaisir !

Puis, au Jour de la Résurrection, le prince et le commerçant seront rassemblés humiliés, sauf ceux que Allah a protégés.

Prends donc bien  garde de ne voir que l’apparence de leurs plaisirs, car tu les trouverais agréables en raison de ton éloignement, mais si tu y parvenais tu le détesterais.

Cela comporte également des épreuves indescriptibles dans cette vie et l’au-delà, tu dois donc être satisfait, autant que possible, de ce que tu possèdes, car cela comporte le salut de cette vie et de la religion.

On demanda à un ascète qui n’avait qu’un morceau de pain sec :

« Comment peux-tu avoir envie de cela ? »

Il répondit : « J’attends d’avoir faim. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cacher ses sentiments

 

Quiconque veut choisir un bien-aimé constate que l’être aimé est de deux sortes : une femme chez laquelle on recherche la beauté physique et un ami chez lequel on recherche la beauté morale.

Si l’apparence d’une femme te plaît, examine un court moment ses qualités morales, avant que le cœur ne s’y attache fermement.

Si tu trouves qu’elle est comme tu le souhaites — et le fondement de tout cela est la religion ainsi qu’il a été dit : « Mets la main sur celle qui a la religion » — penche vers elle, fais-lui des enfants, mais sois modéré dans ton penchant, car c’est une erreur que de montrer son amour à son bien-aimé.

Si tu le fais, elle se montrera excessive envers toi et te causera des torts en t’incriminant, en s’écartant de toi, en t’humiliant et en te demandant de nombreuses dépenses, même si elle t’aime, car c’est ce que produit l’amour de l’humiliation et de la domination de l’autre.

Autre point étonnant qui est que tu peux te conduire en fonction de la situation présente et juger par l’amour parfait, mais cela ne durera pas, et tu deviendras et resteras dominé, et il te sera difficile de t’en défaire !

Elle peut prendre le dessus sur toi par sa connaissance d’un de tes secrets, ou en prenant une grande part de tes biens.

Parmi les meilleures choses qu’on m’ait rapportées à ce sujet est qu’une servante vouait à un calife un amour profond, mais jamais elle ne le lui avait montré.

On l’interrogea à ce sujet et elle dit : « Si je lui avais révélé ce qu’il y a en moi, il m’aurait maltraitée et j’en serais morte ! »

Le poète a dit :

Ne dévoile pas ton amour à l’être aimé

Sinon il t’en ferait voir de toutes sortes

Un jour, j’ai dévoilé mon amour à l’être aimé

Et j’ai eu ma part de souffrances quand il m’a abandonné


De la même manière, il convient de dissimuler une part d’amour pour l’enfant, sinon il te dominerait, gaspillerait tes biens, exagèrerait, et refuserait d’apprendre et de s’éduquer.

De même, si tu choisis un ami et que tu lui confies des choses, ne lui dis pas tout ce que tu as en toi, mais prends soin de lui comme tu le ferais pour un arbre qui, si ses racines sont bonnes, donne de beaux fruits lorsqu’on en prend soin.
Mais méfie-toi tout de même de lui, car les choses peuvent changer, et on a dit :

Méfie-toi de ton ennemi une fois

Et méfie-toi de ton ami mille fois

Un ami peut se retourner contre toi

Et savoir alors parfaitement te nuire

Et si tu détestes quelqu’un parce qu’il te nuit, ne l’affiche pas car tu l’amènerais à se méfier de toi et à t’affronter, et ainsi il te combattra plus encore et rusera contre toi.

Si tu le peux, tu dois lui montrer une bonne attitude, et être bon envers lui autant que possible, jusqu’à ce que son inimitié se brise par pudeur devant le fait de te vouer de la haine.

Mais si tu n’en es pas capable, éloigne-toi de lui de manière convenable qui ne montre aucun préjudice.

Si tu entends de lui des propos indécents, réponds-y par de belles paroles, ce qui sera plus à même de le faire cesser.

Il en est de même pour tout ce qu’on craint de dévoiler, tu ne dois pas en parler, car tu peux prononcer des mots inconvenants à l’égard du gouverneur, qui peuvent lui être rapportés et être la cause de ta perte.

Ou tu peux avoir des mots à l’encontre d’un ami, et que cela soit la cause de son inimitié.

Tu peux également devenir l’otage de celui qui les a entendus, et craindre qu’il ne les dévoile. La prudence consiste à dissimuler l’amour et la haine.

Il convient également de dissimuler ton âge, car si tu es âgé on dira que tu es sénile, et si tu es jeune on te méprisera.

Il en est de même pour la valeur de tes biens, car s’ils sont importants on dira que tu es avare dans tes dépenses, et s’ils sont minimes on cherchera à se débarrasser de toi.

Aussi, en ce qui concerne la doctrine, car si tu la dévoiles, tu n’es pas à l’abri qu’un opposant ne l’entende et décrète que tu es mécréant. Muhammad Ibn cAbd Al-Bâqî Al-Bazzâr a dit :

Retiens ta langue, qu’elle soit muette sur trois choses

Ton âge, tes biens autant que possible, et ton opinion

Car pour ces trois choses tu seras éprouvé par trois personnes

Le faussaire, l’idiot et le menteur

 

 


TABLE DE MATIERES

 


La mort t’exhorte..........................................................2

La sagesse ou le suivie des passions.............................5

La profusion du mal.....................................................6

La sagesse du Créateur..............................................10

Les faux prophètes......................................................12

Cacher ses sentiments.................................................17

Entre la science et l’acte.............................................19

Plaisirs et désappointements......................................23

Cacher ses sentiments.................................................26

Table des matières......................................................28

 

 

 

 

 

 Les Pensées Précieuses  « Sayd Al-Khâtir »

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À propos du livre

Auteur :

Ibn Qayyim al-Jawziyyah

Éditeur :

www.islamland.com

Catégorie :

Pour les Nouveaux Musulmans